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BIEDERMEIER, littérature

Époque, mode de vie, mais aussi style littéraire et artistique, le Biedermeier coïncide avec la période de 1815-1848, celle du Vormärz et de la Restauration, celle de Junge Deutschland et de la Sainte-Alliance, celle de la paix après les guerres sanglantes et celle du régime répressif de Metternich en Europe centrale. Le philistin naïf et borné qui se pique de poésie est une figure typique de cette époque de transition entre romantisme et réalisme, époque où les salons littéraires contribuent à ce que « la bourgeoisie devienne lettrée et les lettres s'embourgeoisent » (Thienemann). Biedermeier est le nom du personnage fictif qui représente ce philistin louis-philippard dans les parodies publiées par L. Eichordt et A. Kussmaul à partir de 1855 dans Fliegende Blätter. Mais ce terme va subir un glissement de sens et caractériser, à partir des années 1920, d'une part la « littérature d'almanach » qui se nourrit de la poésie d'épigone et des motifs mythologiques puisés dans Konversationslexikon et, d'autre part, l'œuvre de poètes qui, loin de cultiver le dilettantisme, recherchent la perfection classique : nostalgiques et résignés, ils se tournent vers les objets concrets du monde sensible, vers la nature, la famille, le « peuple », thèmes hautement consolateurs, mais difficilement exploitables sans niaiserie. La simplicité et la « transparence » (F. Sengle, Biedermeierzeit, Stuttgart, 1971-1980) peuvent jouer de mauvais tours, même aux plus grands, et la production de Mörike (1804-1875), de Lenau (1802-1850), d'Annette von Droste-Hülshoff (1797-1848) ou de Grillparzer (1791-1872) est souvent inégale. Si leur univers thématique est volontairement restreint, leur palette est très riche, surtout celle des paysagistes comme Droste (sa poésie westphalienne est pleine de petits objets qu'elle seule aperçoit), ou comme Lenau qui peint les Alpes ou l'Alföld hongrois. Mais ses scènes de genre — forme très prisée par les peintres et poètes biedermeier — sont mièvres, et la sincérité de ce grand voyageur est problématique dès que l'homme apparaît dans ses paysages. Cette époque apolitique est trop sage et moralisante. Sans la musicalité de ses poèmes, on supporterait très mal l'art de Mörike, mais il est si éthéré qu'on en oublie leur contenu.

L'observation, la contemplation du microcosme est propre aux novellistes comme Droste ou Stifter (1805-1868) et aux auteurs dramatiques comme Grillparzer et Nestroy (1801-1862) aussi, mais il s'agit là le plus souvent de dessins psychologiques très fins. Le succès de ces derniers se traduisait par de nombreuses représentations au Burgtheater viennois. Encore plus à l'est, en Hongrie, la féerie (autre genre typiquement biedermeier) séduit le public avec Csongor és Tünde de Vörösmarty. Sa douce mélancolie est celle des grands poètes au destin tragique, ceux qui ressentaient tous le « mal du siècle », le Weltschmerz.

— Véronique KLAUBER

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Véronique KLAUBER. BIEDERMEIER, littérature [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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