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BARÈRE DE VIEUZAC BERTRAND (1755-1841)

L'« Anacréon de la guillotine », tel fut l'un des nombreux surnoms de Barère. Il résume bien les contradictions de ce « petit-maître » du xviiie siècle, qui appartint au grand Comité de salut public de l'an II et dont Napoléon, après l'avoir utilisé, devait parler avec mépris dans Le Mémorial de Sainte-Hélène de Las Cases. Avocat au parlement de Toulouse à la veille de la Révolution, Barère partage son temps entre le droit et les belles-lettres, toujours attentif aux courants nouveaux. Le Bigorre l'envoie siéger aux États généraux. « C'était le seul homme que j'aie vu arriver du fond de sa province avec un ton et des manières qui n'auraient jamais été déplacés dans le grand monde et à la Cour », notera Mme de Genlis. Barère comprend, dès le début de la Révolution, la puissance de la presse et fonde Le Point du jour qui rend compte des débats de l'Assemblée. Débats où, à l'inverse d'un Robespierre, il brille beaucoup, réussissant par exemple à conserver sa province du Bigorre sous le nom de département des Hautes-Pyrénées. Après la dissolution de la Constituante, il occupe pendant un an les fonctions de juge du Tribunal de cassation, puis il est élu à la Convention où il s'impose rapidement. Bien qu'il ait pris place sur les bancs de la Plaine, il est considéré comme un Montagnard, et pendant longtemps le doute planera sur ses véritables options. S'il se prononce, en effet, contre les Girondins dans la séance du 4 novembre 1792, lorsque les sections viennent demander l'éloignement de Paris des fédérés des départements, il condamne dans le même temps « le monstre de l'anarchie dont la tête s'élève du sein de la Commune de Paris ». Il vote la mort du roi, mais se fait le défenseur du droit de propriété. Membre du premier Comité de salut public, on le retrouve aussi dans le second, où il s'occupe des affaires étrangères et présente à la Convention les rapports sur la situation militaire. De nombreux témoignages (Mémoires de Durand de Maillane, de Choudieu, Souvenirs assez suspects de Sénac) montrent que son activité était très variée. Dans les luttes qui déchirent la Montagne, il s'oppose aux hébertistes et aux dantonistes. Son attitude lors du 9-Thermidor demeure encore mal connue. Ce n'est que le soir du 9 qu'il prend parti en présentant le projet de mise hors la loi des robespierristes réunis à l'Hôtel de Ville. La réaction thermidorienne ne lui pardonne pas son rôle au sein du Comité de salut public. Il échappe toutefois à la déportation. Caché, sous le Directoire, il écrit De la pensée du gouvernement républicain (1797), dont le caractère utopique n'est pas sans rappeler les Institutions républicaines de Saint-Just. Devenu informateur de Bonaparte, il lui adresse de 1803 à 1807 des rapports hebdomadaires sur l'opinion publique, aujourd'hui, semble-t-il, perdus. Il publie également Le Mémorial antibritannique, dirigé contre le cabinet de Londres. Élu à la Chambre des Cent-Jours, il doit fuir, comme régicide, en Belgique. Il revient en France après la révolution de 1830 et rédige des Mémoires publiés après sa mort par Hippolyte Carnot et David d'Angers, Mémoires décevants qui ne contribuent guère à lever les ambiguïtés entourant un personnage qui avait l'étoffe d'un Saint-Just mais non le caractère.

— Jean TULARD

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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Jean TULARD. BARÈRE DE VIEUZAC BERTRAND (1755-1841) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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