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SPIEGELMAN ART (1948- )

Le dessin de presse

Délaissant la bande dessinée, il illustre en 1994 – dans le style graphique des années 1920 – un livre qui avait fait scandale à sa parution, en 1928 : The Wild Party (traduit en français sous le titre La Nuit d'enfer), par Joseph Moncure March, un long poème violent et érotique sur une soirée qui se transforme peu à peu en orgie. À partir de 1991 (année où se termina la publication de Raw) et jusqu'en 2003, Art Spiegelman est surtout l'un des dessinateurs vedettes du magazine The New Yorker, dont Françoise Mouly devient directrice artistique en 1993. Il y dessine notamment des couvertures, dont certaines deviennent célèbres. Celle parue dans le numéro daté du 15 février 1993, et censée illustrer la Saint-Valentin, provoque des remous aux États-Unis : alors que de violents affrontements raciaux viennent de se dérouler à New York entre hassidim et Antillais, Art Spiegelman représente un juif hassidique et une Noire en train de s'embrasser. Le dessin de couverture du New Yorker daté du 24 septembre 2001 est également passé à la postérité : Art Spiegelman y représente les tours jumelles du World Trade Center tout en noir, se détachant à peine sur un arrière-plan d'un noir presque aussi intense. Les couvertures d'Art Spiegelman pour The New Yorker sont réunies en 2003 dans le livre A Kiss from New York, préfacé par Paul Auster(traduit en français sous le titre Bons baisers de New York).

Les événements du 11 septembre 2001 marquèrent profondément Art Spiegelman, qui assista à l'effondrement des tours. Vivant mal la vague de patriotisme qui déferle alors sur les États-Unis et l'intervention militaire en Irak, il démissionne en 2003 du New Yorker pour protester contre ce qu'il estime être un manque d'esprit critique de la presse américaine. À la suggestion de l'hebdomadaire allemand Die Zeit, il revient à la bande dessinée pour y traduire ses angoisses (« Le désastre est ma muse », déclare-t-il). Dans In the Shadow of No Towers (2002-2003, album en 2004, en français À l'ombre des tours mortes), suite de dix grandes planches en couleur, il mêle ses souvenirs du 11 septembre, des critiques contre la politique de George W. Bush et des références à diverses bandes dessinées américaines du début du xxe siècle. Aux États-Unis, aucun grand journal n'accepte de prépublier cette œuvre, parfois hermétique, qui a recours aux techniques et aux styles graphiques les plus divers, et qui semble politiquement risquée. La bande paraîtra finalement dans un hebdomadaire juif de faible tirage, Forward.

En 2005, Art Spiegelman commence dans un magazine culturel réputé, The Virginia Quarterly Review,une bande dessinée dans laquelle il raconte son parcours intellectuel, Portrait of the Artist as a Young %@ ?* ! (sic). Avec ce titre – allusion à A Portrait of the Artist as a Young Man (1914-1915) de James Joyce (et que Dylan Thomas avait déjà détourné en 1940 avec son Portrait of the Artist as a Young Dog) –, Art Spiegelman montre son désir de s'inscrire dans une filiation autobiographique éminemment littéraire. Ce récit a été intégré en 2008 à une réédition augmentée de l'album Breakdowns.

— Dominique PETITFAUX

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Pour citer cet article

Dominique PETITFAUX. SPIEGELMAN ART (1948- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MAUS (A. Spiegelman)

    • Écrit par Dominique PETITFAUX
    • 185 mots
    • 1 média

    C'est en 1980, dans le premier numéro de la revue d'arts graphiques Raw dont il était l'un des fondateurs, que l'Américain Art Spiegelman (né en 1948) commença à publier la bande dessinéeMaus, dont la parution en deux volumes (le premier en 1986, le second en 1991) fut saluée...

  • BANDE DESSINÉE

    • Écrit par Dominique PETITFAUX
    • 22 913 mots
    • 15 médias
    ...1990), choque en exposant ses fantasmes, par les œuvres érotico-fantastiques de Richard Corben (1940-2020) comme Rowlf (1971) et Den (1984), et par le début de la publication, en 1980, de Maus, où Art Spiegelman raconte, sous l’apparence d’une bande animalière, à la fois le génocide des Juifs de Pologne...
  • ROMAN GRAPHIQUE

    • Écrit par Dominique PETITFAUX
    • 2 244 mots
    • 2 médias
    Le roman graphique mit une dizaine d’années à s’imposer. Aux États-Unis, le succès de Maus (1980-1991, prix Pulitzer 1992), dans lequel Art Spiegelman relate comment il réussit à renouer avec son père à travers le récit que celui-ci lui fait de la Shoah, joua un rôle décisif pour la légitimation...