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ARISTONICOS (IIe s. av. J.-C.)

Bâtard d'Eumène II, roi de Pergame, l'un des plus florissants royaumes d'Asie Mineure, et demi-frère par son père d'Attale III, qui en ~ 133 légua son royaume aux Romains, Aristonicos n'accepta pas ce legs, authentifié par la découverte d'une inscription à Pergame. Il se mit à la tête d'un groupe de notables qui refusaient, comme lui, de renoncer à leur liberté et le regardaient comme l'héritier légitime de son père. Strabon parle ainsi de lui : « Vaincu dans une bataille navale près de Cyrné par les Éphésiens, il avait été chassé de Smyrne ; mais il s'enfuit vers l'intérieur et réunit rapidement un grand nombre d'hommes sans ressources et d'esclaves rassemblés dans l'espoir de la liberté, qu'il appela Héliopolitains. En premier lieu, il tomba sur Thyateira, puis s'empara d'Apollinis, porta ensuite ses efforts vers d'autres forteresses » (Géographie, XIV, 1-38).

Ces esclaves qui, selon Diodore de Sicile, s'étaient joints à Aristonicos « à cause de la cruauté de leurs maîtres » et à des hommes libres dont certains étaient très fortunés ont reçu le nom de « citoyens de la cité du Soleil ». Ils ont posé de nombreux problèmes aux historiens. Les auteurs anciens qui les mentionnent ne fournissent aucune précision sur des points importants tels que leur régime socio-économique (égalité des droits, communauté des biens, etc.). Et les interprétations actuelles sont tantôt maximalistes (Mossé), tantôt minimalistes (J.-C. Dumont).

Un rapprochement s'impose entre les Héliopolitains d'Aristonicos et les Héliopolites de Iamboulos. On n'a cependant aucune preuve que le fils d'Eumène ait connu la relation de Diodore de Sicile. Les îles du Soleil de Iamboulos ont connu une grande vogue dans toute l'Antiquité. L'esclavage y était inconnu et elles constituaient la seule utopie antique où la pyramide sociale ne reposait pas sur des hommes-objets. Aristonicos a été inspiré aussi par le philosophe stoïcien, Blossius de Cumes, conseiller de Tiberius Gracchus lors de sa tentative malheureuse. Or la mystique stoïcienne, baignée d'universalisme et d'égalitarisme, n'était pas sans rapport avec les transferts religieux et mythiques qui étaient la contrepartie de l'hellénisation de l'Asie Mineure, à la suite de l'épopée alexandrine. Dans tout le bassin méditerranéen affleurait, au cours des derniers siècles avant Jésus-Christ, la croyance en une divinité bienfaisante et justicière pour les hommes, quels que fussent leur rang et leur origine sociale.

Beaucoup des esclaves étaient nés en Orient, et les guerres serviles furent, à cette époque, trop fréquentes et trop graves pour que ne s'y produisît pas une détérioration des structures traditionnelles. Ces mouvements, souvent dirigés par un « roi », étaient, d'autre part, suffisamment structurés pour s'appuyer sur une idéologie sous-jacente et sur un millénarisme implicite. En outre, une grave crise agraire sévissait : les paysans libres étaient si lourdement grevés de dettes qu'ils étaient peu ou prou réduits en servage. Ainsi s'explique le fait qu'Aristonicos ait si facilement réuni un nombre de fidèles qui devait être considérable, puisqu'un décret de Pergame donna les droits et le titre de citoyen à une masse d'esclaves et d'étrangers. Cette « politographie » exceptionnelle répondait sans doute à une situation d'une très grande gravité. Pourtant, aidés de Nicomède, roi de Bithynie, et des rois de Cappadoce, les Romains vainquirent l'armée des Héliopolitains et emmenèrent Aristonicos ainsi que ses trésors dans leur capitale, où il mourut prisonnier.

— Marie-Rose MAYEUX

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Pour citer cet article

Marie-Rose MAYEUX. ARISTONICOS (IIe s. av. J.-C.) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • URBANISATION DANS LE MONDE GRÉCO-ROMAIN

    • Écrit par Pierre CHUVIN
    • 8 299 mots
    • 3 médias
    ...indigènes, mysiennes, qui gardent leurs troupeaux dans les pâturages plus à l'est et s'abritent dans des villages perchés. Au IIe siècle avant J.-C., lorsque Aristonicos se révolte contre le legs du royaume de Pergame aux Romains et prend le nom de règne d'Eumène III, sans pouvoir jamais occuper sa « capitale...

Voir aussi