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APOLLON, religion romaine

Dieu hellénique, Apollon fit son entrée dans la religion romaine comme médecin (fonction attribuée par les Grecs à Apollon Paian) : lors d'une épidémie en ~ 433, les Romains vouent à Apollon Medicus, « pour la santé du peuple », un temple construit aux prés Flaminiens, en bordure du champ de Mars, et dédié en ~ 431 par le consul Cneius Julius (l'emplacement du temple, appelé Apollinar, était déjà consacré au dieu, adoré sans doute à titre privé). Dans ce premier Apollon se manifestent d'une part les influences des villes de Céré et de Véies (les Étrusques connaissaient un Aplu guérisseur), d'autre part celles des villes grecques de l'Italie du Sud (Cumes, Tarente). La fonction de médecin reste essentiellement celle d'Apollon pendant les deux siècles qui suivent : le premier lectisterne, en ~ 399, lui accorde une place d'honneur à côté de sa mère Latone pour détourner les épidémies ; en ~ 293, Esculape (Asclépios), transporté d'Épidaure dans l'île Tibérine, reprend à son compte les vertus médicales de son père. Cependant, par les rapports que l'on établit entre Apollon et les Livres sibyllins, attribués à son influence, le dieu se présente progressivement comme l'instrument principal de l'hellénisation de la religion romaine : organisation du ritus graecus, pénétration de divinités étrangères. Son culte, qui, faisant appel à la fraternité des participants, à l'émotion religieuse collective, donnait lieu à des rassemblements harmonieux et joyeux caractéristiques des supplications et des lectisternes, familiarisa les Romains avec des formes de dévotion étrangères à leurs propres coutumes religieuses. C'est ainsi que se fait le passage entre le dieu très spécialisé introduit à Rome en 433 et la vocation oraculaire d'Apollon, manifestée par les Livres sibyllins. C'est à eux que l'on a recours, en période critique, pendant la seconde guerre punique, et un événement significatif manifeste l'identité du dieu romain avec celui de Delphes : après Cannes, Q. Fabius Pictor, envoyé par le Sénat consulter l'oracle pythique, de retour à Rome, dépose sur l'autel d'Apollon, au champ de Mars, la couronne de laurier qu'il n'avait point retirée depuis son départ de Delphes ; acte essentiel pour le développement de l'apollinisme romain. Le prestige du dieu est renforcé par l'institution des jeux Apolliniens, le 13 juillet ~ 212, ordonnés par les prédictions du devin Marcius, célébrés selon le « rite grec », pour obtenir « la victoire et non plus la santé » : participation de tout le peuple couronné (panégyries), prières des matrones, festins publics témoignent de façon éclatante de l'orientation hellénique donnée par le dieu à la religion officielle (ces jeux votifs deviennent annuels à partir de ~ 208). Jusqu'à la fin de la République, Apollon apparaît donc en tant que dieu de la santé et de la victoire, mais sa fonction solaire ne s'est pas développée chez les Romains (qui possédaient déjà le dieu « Sol indiges »). Son culte par lui-même est très secondaire (à l'exception des jeux Apolliniens), mais le dieu est surtout important par l'influence déterminante qu'il exerce, par l'intermédiaire des Livres sibyllins et des décemvirs, dans l'adoption des divinités et des rites nouveaux. Apollon connaît une nouvelle vocation au début de l'Empire (déjà, pendant les guerres civiles, Sylla avait gratifié d'une dévotion particulière une statuette d'Apollon Pythien, dont il faisait le garant de sa victoire personnelle) ; Auguste, par une habile utilisation de l'apollinisme des Livres sibyllins, fait du dieu son protecteur particulier (il fit même répandre le bruit qu'il en était le fils) : la mystique apollinienne est utilisée par le prince pour justifier son pouvoir (mythe de l'âge d'or, règne d'Apollon) ; le « miracle » d'Actium, où Apollon, archer de la victoire, était venu[...]

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Écrit par

  • : agrégée de lettres classiques, assistante à l'université de Paris-X

Classification

Pour citer cet article

Catherine SALLES. APOLLON, religion romaine [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AMARCOLITANUS

    • Écrit par Christian-Joseph GUYONVARC'H
    • 128 mots

    Deuxième surnom d'Apollon Grannus dans une inscription gallo-romaine de Branges (Saône-et-Loire), le théonyme Amarcolitanus est composé de amarco-, retrouvé dans l'irlandais amarc, « vue, vision » (lui-même sans étymologie connue), et de l'adjectif litano-, « large ». Il...

  • BORVO

    • Écrit par Christian-Joseph GUYONVARC'H
    • 212 mots

    Dans la mythologie celtique, Borvo, Bormo ou encore Bormanus est connu en tant que surnom d'Apollon par une dizaine d'inscriptions gallo-romaines et des toponymes divers : Borvo-ialum, La Bourboule (Puy-de-Dôme) ; Borvo-cetum, Burtscheid (près d'Aix-la-Chapelle) ; Bormenacum...

  • DÉCEMVIRS & LIVRES SIBYLLINS

    • Écrit par Catherine SALLES
    • 1 022 mots

    Les Livres sibyllins ne contenaient pas d'oracles, mais un catalogue de remèdes que l'on consultait au nom de l'État en cas de prodiges (naissances de monstres humains ou animaux, pluies de pierres ou de sang, etc.) et qui fournissait une procuratio (expiation) à ces signes de...

  • LAURIER NOBLE

    • Écrit par Pierre LIEUTAGHI
    • 578 mots

    Arbre d'Apollon, plante bénéfique vénérée par tous les anciens peuples méditerranéens, le laurier noble (Laurus nobilis L. ; lauracées) est aujourd'hui une épice des plus communes dont les pouvoirs thérapeutiques sont oubliés. L'arôme des feuilles est dû à une huile essentielle...

Voir aussi