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SŁONIMSKI ANTONI (1895-1976)

Né à Varsovie, Antoni Słonimski était le fils d'un médecin connu, le petit-fils d'un écrivain qui avait fondé un journal en hébreu et l'arrière-petit-fils d'un mathématicien et astronome fameux qui fut le premier juif à être admis dans la Société des amis des sciences, l'institution scientifique la plus prestigieuse de Pologne au cours de la première moitié du xixe siècle. La famille d'Antoni Słonimski était tout à fait polonisée ; son père, militant du Parti socialiste polonais clandestin, s'était même converti au catholicisme, ce qui, comme dans d'autres cas semblables, traduisait non un changement de religion – il n'était pas croyant – mais une rupture avec le milieu de la grande et petite bourgeoisie juive, souvent obscurantiste et rétrograde. Au début des années 1920, Antoni Słonimski lui-même fut accusé d'antisémitisme pour avoir critiqué ce milieu. Et pourtant il n'a jamais renié les traditions de sa famille ; au contraire, il en était fier et s'y est référé à plusieurs reprises dans ses œuvres. Il a combattu l'antisémitisme partout et sous tous ses déguisements, s'attirant une inimitié durable tant de fascistes polonais d'avant guerre que de leurs héritiers spirituels dans la Pologne d'aujourd'hui.

Il avait voulu d'abord devenir peintre ; mais très vite il troqua le pinceau contre la plume pour pratiquer, durant presque soixante ans d'activité multiforme et intense, les genres littéraires les plus divers. Il fit ses débuts comme poète en 1918, l'année mémorable où la Pologne saluait avec enthousiasme son indépendance recouvrée. Toutes les illusions, tous les espoirs semblaient permis. La poésie polonaise se sentait libérée du rôle qu'elle assumait depuis la fin du xviiie siècle : celui d'une gardienne de la flamme patriotique, obligée, au besoin, de la rallumer. Les jeunes poètes de la nouvelle génération avaient commencé, en 1918, par réciter leurs poèmes dans le café Au Picador, à Varsovie. De 1920 à 1928, ils publiaient un mensuel, Skamander, qui occupa une place capitale dans l'histoire de la littérature polonaise du xxe siècle. Le groupe des « scamandrites » – où l'on trouve, à côté de Słonimski, d'autres grands poètes : Iwaszkiewicz, Lechoń, Tuwim, Wierzyński – apportait une nouvelle imagerie, un nouveau langage, un ton qui l'opposait à ses prédécesseurs. Ses membres ne se prenaient pas pour des oracles ; ils se voulaient plutôt chroniqueurs et commentateurs du présent. Au lieu de jouer les mages, il préféraient faire des pitreries ; ils écrivaient pour des revues satiriques et pour des cabarets. Ils remplaçaient le sérieux par l'humour, souvent absurde ; le sublime, par le quotidien. Leurs manifestes appelaient la poésie à descendre dans la rue, à se démocratiser. Et leurs poèmes s'ouvraient, en effet, aux réalités de la vie urbaine : au sport, à la mode, à l'automobile. Et aussi à la politique.

« Je serai un révolutionnaire en monarchie / Admirateur du roi, en république », écrivait Słonimski dans un poème au titre programmatique : La Révolte (1920). Cette attitude contestataire est présente dans toute son œuvre. En poésie, depuis l'anarchisme juvénile du Printemps noir (1919) jusqu'aux écrits de ses dernières années, Słonimski reprend un certain nombre de thèmes qu'il synthétise, en leur donnant une dimension métaphysique, dans l'admirable poème Non réconcilié (1959). « Le non-sens de l'existence » qu'il ne veut pas se résigner à accepter, ce sont les manifestations d'intolérance, les chauvinismes nationaux, les militarismes. Ce sont des crimes qui n'osent pas s'avouer comme tels mais se présentent en tant qu'opérations de salut public. Dans ses œuvres en prose, et notamment dans les chroniques qu'il[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au C.N.R.S., directeur scientifique au Musée de l'Europe, Bruxelles

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Pour citer cet article

Krzysztof POMIAN. SŁONIMSKI ANTONI (1895-1976) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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