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ANNETTE (L. Carax)

Six longs-métrages en trente-cinq ans : Leos Carax est un cinéaste rare et exigeant, suivi par des cinéphiles impatients de découvrir les nouveaux terrains d’expériences explorés par ses films. Car le seul point commun entre Boy Meets Girl (1984), Mauvais sang (1986), Les Amants du Pont-Neuf (1991), Pola X (1999) et Holy Motors (2012) est un amour fou pour le cinéma et la mise en scène. C’est d’ailleurs le prix de la mise en scène que ce nouveau film a reçu, après avoir été présenté lors de la soirée d’ouverturedu festival de Cannes 2021.

Les feux de la rampe

Depuis Holy Motors, chef-d’œuvre d’humour noir et d’inquiétante étrangeté, il s’est écoulé près de dix ans. Pour la première fois, Leos Carax réalise un film musical en anglais et dont il n’a pas écrit le scénario. La musique a toujours tenu une place importante dans ses films. Depuis ses débuts, il rêvait d’un film entièrement chanté, se sentant plus compositeur que cinéaste. C’est ainsi qu’une rencontre avec Ron et Russell Mael ‒ les musiciens fondateurs en 1968 du groupe pop-rock Sparks ‒ est à l’origine d’Annette. Les Sparks, dont on entendait une chanson dans Holy Motors, lui ont cette fois proposé un album entier qui puisse servir de canevas au film. Carax s’en empare dès l’ouverture : face caméra, devant la console d’un studio de Los Angeles, il somme littéralement le spectateur de retenir son souffle jusqu’à la fin du show ! Nous sommes prévenus, un grand spectacle s’annonce. S’élève alors le premier tube du film « So May We Start ? », tandis qu’apparaissent les musiciens, puis les comédiens (Adam Driver et Marion Cotillard), qui en reprennent le refrain à l’unisson. La troupe, suivie par une caméra mobile, quitte le studio, avance dans la rue, toujours face au spectateur qu’elle salue en s’agenouillant. Adam Driver enfourche alors une moto pour filer dans la nuit noire. L’image reviendra à plusieurs reprises, symbole d’une fuite en avant ou d’un désir de ne vivre que dans des conditions extrêmes. Cette passion de l’excès, de l’acmé du bonheur aux pires abîmes, nous ne la quitterons plus.

<em>Annette</em>, L. Carax - crédits : CG Cinéma International/ Tribus P Film

Annette, L. Carax

Annette est l’histoire d’une chute, celle de deux êtres de spectacle auxquels, dans un premier temps, tout sourit. Henry se produit dans des shows où il interpelle le public, « monstre sans tête » qu’il doit faire rire à tout prix. Il dira en sortant de scène : « Je les ai tués ! » Quant à Ann, cantatrice de renommée internationale dont la voix de soprano enchante les foules, son commentaire hors scène est différent : « Je les ai sauvés ».

Le refrain « We love each other so much » résume le premier mouvement du film. Le bonheur, on le sait, n’est guère cinématographique. Carax l’associe à la frénésie avec laquelle Henry se déchaîne dans ses stand-up, filmés en son direct pour l’acteur comme pour le chœur féminin qui l’accompagne et pour la foule qui réagit à ses provocations. La performance d’un Adam Driver dans ce numéro « sans filet » est exceptionnelle. Plus douce, plus noble est la partition d’Ann, dans la majesté d’une scène d’opéra que Carax fait s’ouvrir sur une vraie forêt dans un plan séquence quasiment magique.

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Bernard GÉNIN. ANNETTE (L. Carax) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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<em>Annette</em>, L. Carax - crédits : CG Cinéma International/ Tribus P Film

Annette, L. Carax

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