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BANTI ANNA (1895-1985)

Anna Banti (pseudonyme de Lucia Lopresti Longhi) est née à Florence Elle a excellé dans le roman historique et dans la nouvelle. Servie par une très vaste culture constamment mise à jour, son intelligence critique faisait merveille dans la revue Paragone, dont elle dirigeait la section littéraire et dont il suffira de rappeler, pour en mesurer l'importance, qu'elle parraina les débuts, entre autres, de Bassani, de Pasolini et d'Arbasino. Fondée en 1950 par Roberto Longhi, époux d'Anna Banti, la revue Paragone est surtout connue à l'étranger par les historiens d'art. Elle a aussi sa place dans l'histoire littéraire des trente dernières années, et l'on ne saurait trop insister sur le rôle tenu en son sein par Anna Banti.

L'influence de Longhi, dont Anna Banti fut l'élève avant de devenir l'épouse, n'a cessé de modeler son œuvre, même si celle-ci a peut-être pour vocation de s'en défendre. Le féminisme, qui sous les formes les plus diverses — de la confession à l'histoire — caractérise son inspiration, est la réponse d'une femme prise au piège d'un lien conjugal fondé sur la plus aliénante des inégalités : l'homme aimé est aussi et d'abord le Maître, celui auquel on sacrifie jusqu'à sa vocation, en l'occurrence l'histoire de l'art, pour la compensation dérisoire de l'écriture littéraire. Telle est en tout cas l'auto-analyse qui ressort du plus autobiographique des livres d'Anna Banti, qui le sont d'ordinaire si peu : Un grido lacerante (1981), récit inspiré précisément par la mort de Longhi.

Sa formation d'historienne et de critique d'art, à l'école de Longhi, n'en a pas moins profondément marqué l'œuvre romanesque d'Anna Banti et jusqu'à son écriture, qui doit ses plus beaux effets à son amoureuse fréquentation du musée baroque. Son chef-d'œuvre, en ce sens, est sans doute Artemisia (1947, réédité en 1969 dans Due Storie), biographie romancée d'Artemisia Gentileschi (1597-1651), « la seule femme en Italie qui ait jamais su ce que c'était que la peinture » (Longhi), qui fut, encore fillette, victime d'un viol suivi d'un procès public pour stupre, et dont les deux Judith, qui comptent parmi les tableaux les plus mémorables du Seicento, ont l'« impassibilité sauvage » (Longhi) d'une vengeance cathartique. On retrouve le même décor baroque dans La Camicia bruciata (Mondadori, 1973), qui se déroule à la cour de l'avant-dernier des grands-ducs de Toscane, le bigot Côme III, dont l'épouse Marguerite Louise d'Orléans (qui avait un moment caressé l'espoir d'épouser son cousin le futur Louis XIV) s'apparente à Artemisia par une « bizarrerie » qui fait scandale — une perpétuelle oscillation « entre une familiarité excessive et la pompeuse distance d'une déesse ».

On sent parfois percer dans le féminisme d'Anna Banti, comme c'est le cas dans la biographie de Matilde Serao (1965), romancière laide, une véritable horreur de la condition féminine et une cruauté glacée qui est aux antipodes de l'affectueuse participation avec laquelle la romancière évoque, dans Noi credevamo (Mondadori, 1967), la figure de son grand-père maternel.

Ses nouvelles, qui allient volontiers le fantastique et l'histoire (avec une prédilection pour les époques barbares du Bas-Empire et du haut Moyen Âge), ont la perfection néoclassique d'une langue ayant le poli du marbre et l'éclat des pierres dures : Itinerario di Paolina (1937), Sette Lune (1941), Le Monache cantano (1942), Allarme sul lago (1954), La Monaca di Sciangai (1957), Le Mosche d'oro (1962), Campi Elisi (1963), Je vous écris d'un pays lointain (titre original, emprunté à Michaux, en français, 1971), Da un paese vicino[...]

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Pour citer cet article

Jean-Michel GARDAIR. BANTI ANNA (1895-1985) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ITALIE - Langue et littérature

    • Écrit par Dominique FERNANDEZ, Angélique LEVI, Davide LUGLIO, Jean-Paul MANGANARO
    • 28 412 mots
    • 20 médias
    ...(1896-1974) qui publie Tempo innamorato (1928), un roman qui tente d’allier la forme brève dérivée de la prosad’arte avec la narration longue, et Anna Banti (pseudonyme de Lucia Lopresti, 1895-1985), auteure du roman Artemisia (1947) consacré à la peintre Artemisia Gentileschi – fille d’Orazio Gentileschi,...

Voir aussi