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120 BATTEMENTS PAR MINUTE (R. Campillo)

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L’affirmation de la vie

Un quatuor se détache progressivement : Thibault (Antoine Reinartz), président largement inspiré de Didier Lestrade, habile porte-parole privilégié des médias ; Sophie, la stratège des actions (Adèle Haenel) ; Sean (Nahuel Pérez Biscayart), le malade révolté contre les atermoiements (dans lequel on peut reconnaître Cleews Vellay, mort à trente ans) et Nathan (Arnaud Valois, fraîchement arrivé à Act Up, alter ego de Campillo lui-même). Ces deux-là vont vivre une brève et tragique histoire d’amour, qui donnera les scènes les plus bouleversantes avec une représentation du corps de Sean, supplicié à la fois par le virus et la lourdeur des soins hospitaliers, sans stigmates repoussants (aucune fausse tache de Kaposi), mais plutôt un épuisement, un rabougrissement de tout son être autour d’un mal épouvantable qui le ronge. À mesure que le film se resserre sur l’intime, les flashes des scènes en boîtes de nuit se réduisent à des silhouettes sombres lancées dans des danses macabres frénétiques. Tout au long du film, plusieurs scènes viendront surligner un amour hors norme parce qu’au-delà de tous les dangers.

Dès l’agonie terminée, famille et militants retournent aux décisions nécessaires : on se dépêtre mal du lit pliant, on plaisante sur le pourcentage des cendres à laisser aux proches et de celles qui serviront à saccager les luxueux buffets dînatoires de l’Union des assurances de Paris. Mais le comble de la provocation est que Nathan veuille le soir même prendre un nouvel amant : pas de temps, en effet, pour le travail de deuil. Comme s’il fallait poursuivre avec acharnement, par des gestes concrets, la lutte pour le droit au plaisir et à la vie qu’avait défendu avec hargne celui qui ne voulait pas mourir. Il ne fallait pas non plus laisser les spectateurs sortir en essuyant une larme consensuelle versée sur le cadavre d’un jeune homme propre à provoquer la pitié de ceux qui auraient répondu au drame avec la même indifférence que les adversaires d’Act Up vingt-cinq ans avant que le film soit réalisé.

— René PRÉDAL

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Écrit par

  • : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen

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Pour citer cet article

René PRÉDAL. 120 BATTEMENTS PAR MINUTE (R. Campillo) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 02/11/2017

Média

<em>120 Battements par minute</em>, R. Campillo - crédits : Celine Nieszawer/Les Films de Pierre/BBQ_DFY/ Aurimages

120 Battements par minute, R. Campillo