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ZEAMI (1363-1443)

Les traités

On retrouve cette pénétration dans l'ensemble des écrits qui constituent la « tradition secrète » (hiden) du . Zeami avait commencé à rédiger, à partir de l'an 1400, les préceptes que lui avait, nous dit-il, légués son père, préceptes auxquels se mêlent, de plus en plus nombreuses, les réflexions que lui inspirait sa propre expérience. Ces notes, dont la rédaction s'étend sur une quarantaine d'années, étaient destinées à rester confidentielles : elles ne devaient « être transmises qu'à un seul homme par génération ». Malgré quelques indiscrétions (une copie partielle remise au shōgun Tokugawa Ieyasu vers l'an 1600, un faux publié en 1665 qui en contenait des passages plus ou moins altérés), le secret fut gardé jusqu'en 1909, date à laquelle le philologue Yoshida Tōgo publia, sous le titre de Zeami jūrokubu shū (Recueil de seize opuscules de Zeami), un ensemble de manuscrits que l'on venait de découvrir dans la bibliothèque d'une famille de daimyō. L'authenticité de la plupart de ces textes devait être définitivement établie par la découverte de nouveaux manuscrits contemporains de l'auteur, parmi lesquels deux lettres au moins de sa main, si bien que le nombre des traités retrouvés s'élève à vingt-trois. Nous avons, pour notre part, procuré une traduction française de six d'entre eux, qui forment un ensemble cohérent et qui représentent environ la moitié du total ; ce sont : le livre De la transmission de la fleur de l'interprétation (Fūshi kaden), le Miroir de la fleur (Kakyō), le Livre de la voie qui mène à la fleur (Shikadō sho), l'Étude illustrée des deux éléments et des trois types (Nikyoku santai ezu), le Livre de l'étude et de l'effet visuel des divertissements musicaux (Yūgaku shūdō kempū sho) et l'Échelle des neuf degrés (Kyūi shidai). Deux autres offrent un intérêt considérable, par les lumières qu'ils apportent sur des points particuliers : le Livre de la composition du nō (Nōsaku sho) et les Entretiens sur le sarugaku avec Maître Ze[ami] après sa soixantième année (Ze-shi rokujū igo sarugaku dangi), recueillis par Motoyoshi, second fils de Zeami, en 1430. Tous les autres, à l'exception du Livre de l'île d'or, déjà cité, et de la Trace d'un songe sur un feuillet (Museki isshi), méditation sur la mort de Motomasa, sont des traités techniques, qui portent sur des problèmes musicaux ; certains d'entre eux, dont le caractère systématique et doctrinal, le style obscur et confus, à résonances mystiques, contrastent avec la précision et le pragmatisme des grands traités, devraient plutôt être attribués à l'un des successeurs de Zeami, peut-être à son gendre Komparu Zenchiku dont on possède des écrits de même style.

Pour l'analyse des Traités, nous nous permettons de renvoyer à notre ouvrage La Tradition secrète du nō (cf. Bibliographie). Une notion clé apparaît pour la première fois au livre V du Fūshi kaden (daté de 1402) et prend, à partir de là, une importance capitale dans le raisonnement : il s'agit de la règle de la concordance (sōō), qui doit nécessairement s'établir entre l'auteur et son époque, entre l'auteur et l'acteur, entre l'acteur et le spectateur, pour que le spectacle « passe la rampe ». L'idéal serait, pour Zeami, que l'acteur composât lui-même les pièces qu'il doit interpréter ; il pourrait de la sorte, sans trahir l'auteur, adapter instantanément son jeu à l'humeur du public, du public de telle salle, à tel jour et à telle heure, et non point d'un public idéal et intemporel : c'est là, dit-il, un « procédé éprouvé », éprouvé par lui-même à coup sûr, lorsqu'il s'était aperçu à ses dépens qu'il ne lui suffisait pas de reprendre les pièces à succès de son père, en suivant fidèlement son interprétation. L'expérience personnelle vient[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales

Classification

Pour citer cet article

René SIEFFERT. ZEAMI (1363-1443) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ASHIKAGA YOSHIMITSU (1358-1408)

    • Écrit par Jacqueline PIGEOT
    • 612 mots
    • 1 média

    Troisième shōgun du bakufu (gouvernement) de Muromachi. Petit-fils d'Ashikaga Takauji, Yoshimitsu avait neuf ans quand il perdit son père Yoshiakira et lui succéda dans les fonctions de shōgun. Il réduisit les grands seigneurs (shugo) toujours prêts à la révolte : Doki Yoriyasu (1379),...

  • JAPON (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Jean-Jacques ORIGAS, Cécile SAKAI, René SIEFFERT
    • 20 234 mots
    • 2 médias
    ...(1358-1408), protecteur des arts et des lettres, qui fit de son siècle un Quattrocento japonais, les découvrit en Kan.ami (1333-1384) et en son fils Zeami (1363-1443). Auteurs, acteurs, metteurs en scène, musiciens, chanteurs et danseurs, ces deux hommes firent en quelques années, du populaire sarugaku...
  • THÉÂTRE OCCIDENTAL - Théâtre et sociétés

    • Écrit par Jean-Marie PRADIER
    • 9 667 mots
    ...l'art le plus spécifiquement japonais, un art qu'un Japonais même ne peut comprendre qu'au prix d'une longue éducation » –, René Sieffert remarque que « le refuse d'entrer dans les classifications qui nous sont familières » (in Zeami, La Tradition secrète du nō, 1960). Au cours de son...
  • THÉÂTRES DU MONDE - Le théâtre japonais

    • Écrit par René SIEFFERT, Michel WASSERMAN
    • 6 919 mots
    • 4 médias
    ...Aux environs de 1350, le dengaku no nō, dégagé de la gangue grossière des sarugaku, avait su, par ses chorégraphies sur des thèmes littéraires et par la recherche du yūgen – ce « charme subtil » dontZeami fera la qualité primordiale du nō –, conquérir la faveur d'un public d'esthètes.

Voir aussi