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XU WEI[SIU WEI]ou WENCHANG (1521-1593)

Xu Wei est aussi célèbre comme écrivain que comme peintre. Mais, malgré l'admiration fervente que lui voua une élite individualiste et excentrique (le littérateur Yuan Hongdao voyait en lui « le plus grand écrivain des Ming », et le peintre Zheng Banqiao déclarait qu'il se serait volontiers fait « le chien de son seuil »), il n'a pas eu très bonne presse auprès de la critique traditionnelle, et cela pour des raisons tant morales qu'esthétiques. Un relent de scandale est resté attaché aux épisodes de sa démence et de son emprisonnement. La part la plus originale de son activité littéraire fut consacrée au théâtre, genre frivole aux yeux des lettrés orthodoxes, tandis que sa création picturale présente une violence sauvage non moins offensante pour les goûts de discrétion et de mesure qui caractérisent l'esthétique des lettrés. Mais la sorte de commotion que produisit son passage dans la littérature et surtout dans la peinture exerça une influence qui, pour ne pas s'être exprimée immédiatement, n'en eut que des effets plus durables.

Une existence romanesque

Xu Wei, plus connu en Chine sous son « prénom de courtoisie » de Wenchang, est né à Shanyin, l'actuel Shaoxing au Zhejiang, un centre culturel qui bénéficia beaucoup du voisinage immédiat de Hangzhou, dans une famille de petits fonctionnaires sans fortune. Il manifesta dès son enfance d'exceptionnelles dispositions pour les lettres, mais ne réussit cependant pas à entrer dans la carrière administrative : de vingt à quarante ans, il se présenta huit fois aux examens, chaque fois sans succès. Ces échecs successifs ne durent toutefois pas l'affecter outre mesure : sa renommée littéraire lui valait un large cercle de relations, englobant à peu près toutes les célébrités de Shanyin. Jusqu'à l'âge de vingt-sept ans, sa subsistance matérielle fut assurée par son beau-père, un magistrat qu'il accompagna en poste dans une préfecture du Guangdong.

À la mort de sa femme, survenue prématurément, il reprit une existence indépendante, mais précaire, vivant d'un emploi de précepteur. C'est durant cette période qu'il commença à s'intéresser activement au théâtre et qu'il s'initia également à la pratique de la peinture. À l'âge de trente-six ans, ses talents littéraires furent remarqués par Hu Zongxian, un haut fonctionnaire qui jouissait alors d'une autorité considérable sur les provinces du Sud-Est. Hu fit de lui son secrétaire et contribua à consacrer sa réputation littéraire en l'introduisant auprès des membres les plus influents de l'élite intellectuelle de l'époque. Cette période de sécurité matérielle et de succès mondain ne devait guère durer que cinq ans et prit abruptement fin avec l'arrestation de Hu, compromis dans la disgrâce du ministre Yan Song. Hu se suicida en prison ; la nouvelle de la mort de son protecteur fut pour Xu Wei un choc qui dut ébranler sa raison, car, après avoir rédigé sa propre épitaphe, il tenta par trois fois de se suicider, mais sans succès, d'abord en se défonçant la figure avec une hache, puis en s'enfonçant un clou de charpentier « long de trois pouces » dans l'oreille, enfin en s'écrasant les testicules à coups de maillet. Dans cet état d'égarement, il battit sa seconde femme à mort et se vit ainsi emprisonner pour meurtre.

La prison parut exercer un effet calmant sur son esprit. Pendant les sept années que dura son internement, il s'adonna tranquillement à l'étude, composa un traité d'abstruse théorie taoïste, ainsi que de nombreux poèmes et pièces de prose. Son régime ne semble d'ailleurs pas avoir été très sévère : non seulement il avait la faculté de recevoir des invités, mais même, à la mort de sa mère, il fut relâché le temps de régler les funérailles. Sur l'intervention d'une relation[...]

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Écrit par

  • : reader, Department of Chinese, Australian National University

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Pour citer cet article

Pierre RYCKMANS. XU WEI [SIU WEI] ou WENCHANG (1521-1593) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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