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JONES VAUGHAN FREDERICK RANDAL (1952-2020)

Vaughan Frederick Randal Jones est un mathématicien néo-zélandais, lauréat de la médaille Fields en 1990 pour ses travaux en analyse fonctionnelle et en théorie des nœuds.

Né le 31 décembre 1952 à Gisborne (Nouvelle-Zélande), il fait ses études supérieures à l'université d’Auckland (Nouvelle-Zélande) et y obtient en 1973 un master of science en mathématiques. Il bénéficie d’une bourse du gouvernement suisse pour aller à Genève entreprendre ses travaux de thèse, d’abord en physique (1974-1976) puis en mathématiques sous la direction du professeur André Haefliger, spécialiste de la topologie. Jones s’intéresse alors à la théorie des opérateurs, et en particulier aux algèbres de von Neumann – algèbres des opérateurs bornés qui agissent sur un espace de Hilbert –, domaine où le mathématicien français Alain Connes venait d’obtenir d’importants résultats. Il contacte Connes qui devient son (officieux) directeur de thèse. En développant les méthodes introduites par Connes, Jones parvient à classifier ce qu’on appelle les « sous-facteurs » des algèbres de von Neumann, qu’on peut considérer comme les briques élémentaires à partir desquelles on construit ces algèbres. Il montre en particulier qu’ils sont caractérisés par un indice qui prend des valeurs discrètes, puis qui varie continûment.

Jones soutient sa thèse de doctorat en 1979. Il quitte alors l’Europe pour les États-Unis, enseigne pendant l’année 1980-1981 à l’université de Californie à Los Angeles, puis rejoint l’université de Pennsylvanie comme professeur-assistant ; il y est promu professeur en 1984. C’est pendant ces années que, de façon absolument surprenante – un « trait de génie », selon Alain Connes – Jones fait le lien entre les résultats qu’il a obtenus dans l’étude des algèbres de von Neumann et la théorie des nœuds dans l’espace tridimensionnel habituel. Cela lui permet d’inventer en 1984 ce qu’on appelle depuis lors les « polynômes de Jones », qui caractérisent ces nœuds. Il s’agit de polynômes de Laurent, à coefficients entiers dans l’indéterminée t1/2, qui distinguent un nœud de son image dans un miroir. Ainsi, le polynôme du nœud de trèfle droit est V(t) = t + t3 – t4 et celui du nœud de trèfle gauche V(t) = t1 + t3 – t4. Les polynômes de Jones se révéleront plus tard des outils essentiels à la résolution de divers problèmes de physique statistique, mais aussi dans la théorie de la représentation des algèbres de Lie, dans l'étude des groupes quantiques et pour la construction de certaines théories quantiques des solides.

Nommé professeur à l'université de Californie à Berkeley en 1985, Jones y effectuera la plus grande partie de sa carrière. La médaille Fields qui lui est décernée en 1990 couronne ses résultats exceptionnels en analyse fonctionnelle et en théorie des nœuds. Lors de la cérémonie de remise de ce prix – considéré par beaucoup comme l’équivalent du Nobel pour les mathématiciens –, il étonne l’assistance par sa tenue peu conventionnelle : il porte le maillot des joueurs de rugby de l’équipe néo-zélandaise, les All Blacks. Les mathématiciens soulignent volontiers que les résultats de Jones montrent la profonde unité des mathématiques en reliant des domaines de recherche qui semblaient avant eux totalement disconnectés.

En 2011, Jones quitte Berkeley et rejoint son ami et collaborateur de longue date Dietmar Bisch à l’université Vanderbilt de Nashville, dans le Tennessee, où il est nommé Stevenson distinguishedprofessor. Il meurt soudainement le 6 septembre 2020 des complications d’une infection auriculaire. Il laisse à ceux qui l’ont connu le souvenir d’un homme humble, fidèle à sa famille et à ses amis, pratiquant musique, chant choral et sport (en particulier le kitesurf et la planche à voile) avec[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

Classification

Pour citer cet article

Bernard PIRE. JONES VAUGHAN FREDERICK RANDAL (1952-2020) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • NŒUDS (THÉORIE DES)

    • Écrit par Jean BRETTE
    • 1 904 mots
    • 11 médias
    En 1984, la communauté mathématique apprit avec surprise la découverte, par le mathématicien néozélandais Vaughan Jones, d'un nouvel invariant polynomial associé aux nœuds et chaînes. Ce polynôme, plus fin que celui d'Alexander, permet de distinguer entre les variantes gauche et droite d'un même nœud...

Voir aussi