Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

THINK TANKS

Tournant néolibéral

Au regard de ce parti pris de neutralité, la création en Suisse de la Société du Mont-Pèlerin (S.M.P.), en 1947, représente une rupture. Ce think tank revêtait des caractéristiques très en avance sur son temps, tant en raison de sa composition, très internationale, que de ses visées, qui traduisaient une forte cohésion idéologique autour d'une conception précise du monde social et de sa nécessaire transformation. Il réunissait en effet des intellectuels de plusieurs pays préoccupés par ce qu'ils considéraient comme la dangereuse dérive étatiste et interventionniste des politiques économiques, souvent d'inspiration keynésienne, engagées par les gouvernements de la plupart des pays occidentaux au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Figure de proue et membre fondateur de la S.M.P., l'économiste et philosophe autrichien Friedrich von Hayek fut rejoint à l'époque par ceux qui allaient devenir, quelques années plus tard, les principaux animateurs du courant néolibéral. On trouvait ainsi, parmi les premiers membres de la société, Milton Friedman, de l'université de Chicago, Ralph Harris, jeune économiste britannique de l'université de Saint Andrews et Jacques Rueff, haut fonctionnaire et économiste français, qui allaient tous jouer par la suite un rôle déterminant dans la construction d'un réseau impressionnant de think tanks défendant l'économie de marché des deux côtés de l'Atlantique.

La période cruciale pour le développement de l'activité internationale des think tanks dans le monde se situe dans les années 1970. Cette période voit l'émergence d'une nouvelle génération de think tanks, plus offensifs sur le plan idéologique que leurs prédécesseurs, plus enclins aussi à l'autopromotion, et souvent appelés advocacy tanks. Le premier organisme de ce type à voir le jour, en 1957, est l'Institut des affaires économiques (Institute of Economic Affairs, I.E.A., activement promu au Royaume-Uni par les membres de la Société du Mont-Pèlerin. Il a traversé une assez longue période d'isolement avant de pouvoir prendre place sur l'avant-scène politique et intellectuelle, dans les années 1970, lors des débats qui ont accompagné l'approfondissement de la crise dans les îles Britanniques. Cette crise a effectivement ouvert un espace pour ceux qui, comme les animateurs de l'I.E.A., étaient prêts à « penser l'impensable » par rapport aux modalités de gestion économique et sociale d'une société britannique en proie aux difficultés de tous ordres. On voit, en l'espace de quelques années, émerger plusieurs nouveaux acteurs parmi les think tanks britanniques – le Centre d'études politiques (Centre for Policy Studies) créé en 1974 par Margaret Thatcher, qui n'était pas encore à la tête du Parti conservateur, et par son ami et mentor Keith Joseph, ou l'Adam Smith Institute créé en 1977 par deux diplômés de l'université de Saint Andrews, Madsen Pirie et Eamonn Butler, revenus depuis peu en Grande-Bretagne après avoir assisté à la fondation de la Heritage Foundation en 1973. Aux États-Unis, à la même époque, on voit fleurir ces think tanks de type nouveau, aux convictions politiques très affirmées, plus enclins à la propagande qu'à la discussion politique. Ils s'inspirent dans la plupart des cas du libéralisme économique de Hayek et de Friedman qui a désormais le vent en poupe : c'est le cas, outre la Heritage Foundation, de l'Institute for Contemporary Studies (Institut d'études contemporaines, 1972) et du Cato Institute (Institut Caton, 1977), qui ont accueilli des universitaires conservateurs ou défenseurs de l'économie de marché et leur ont fourni des voies d'accès vers les décideurs politiques de Washington. L'élection de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne en 1979 et de [...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Keith DIXON. THINK TANKS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • FABIAN SOCIETY ou SOCIÉTÉ FABIENNE

    • Écrit par Roland MARX
    • 978 mots
    • 1 média

    Les « Fabiens » constituent depuis 1884 le plus célèbre club de pensée socialiste en Angleterre. Gros de quelques centaines de membres dans les années 1890, il en compte 2 462 en 1909, dont plus de la moitié sont des Londoniens. Ce nombre a plus que doublé à notre époque. Depuis sa naissance, on...

Voir aussi