Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SÉPARABILITÉ ET NON-SÉPARABILITÉ, mécanique quantique

Mécanique quantique et probabilités - crédits : Encyclopædia Universalis France

Mécanique quantique et probabilités

Albert Einstein, père de la relativité, a joué un rôle majeur dans la genèse de la mécanique quantique, notamment en interprétant, en 1905, l'effet photoélectrique en termes de quanta lumineux, ou photons, ce qui lui vaudra le prix Nobel. Cependant, lorsque, vers la fin des années 1920, la théorie quantique est en passe d'être formulée de façon cohérente, Einstein va se dresser contre l'interprétation qui se construit, appelée aujourd'hui « interprétation de Copenhague » défendue par Niels Bohr. Pour Bohr, la mécanique quantique donne, sous forme probabiliste, la description physique du monde la plus complète qu'on puisse concevoir. Pour Einstein, au contraire, la nature probabiliste des prédictions de la théorie quantique semble impliquer l'existence d'un niveau sous-jacent, permettant une description plus détaillée du monde physique, alors que la mécanique quantique ne donne qu'une description statistique de phénomènes existant à une échelle plus fine. C'est ce qu'on a appelé par la suite « hypothèse des variables cachées ». Afin d'expliciter leur position, Einstein et ses collaborateurs Boris Podolsky et Nathan Rosen (E.P.R.) publient, en 1935, dans Physical Review, un argument qui vise à démontrer l'incomplétude de la mécanique quantique, en s'appuyant sur les prédictions de la mécanique quantique elle-même ; pour cette raison, cet argument est parfois appelé « paradoxe » E.P.R.

Le débat Einstein-Bohr et les fondements de la mécanique quantique

Corrélation E.P.R. avec des paires de photons - crédits : Encyclopædia Universalis France

Corrélation E.P.R. avec des paires de photons

David Bohm propose une variante de la situation découverte par E.P.R.. La mécanique quantique y prédit une corrélation très forte entre des mesures de polarisation portant sur des photons ν1 et ν2 éloignés, mais ayant été émis par la même source. Pour Einstein, les deux mesures éloignées ne peuvent s'influencer mutuellement, car le principe de causalité relativiste interdit qu'une interaction se propage plus vite que la lumière. La corrélation entre les deux mesures (toutes les deux donnent + 1, ou toutes les deux donnent - 1) ne peut alors s'interpréter qu'en admettant que les deux photons d'une même paire possèdent une même propriété, variable d'une paire à l'autre, et déterminant le résultat de la mesure. Or le formalisme quantique n'attribue aucune propriété de ce type aux photons, toutes les paires étant décrites de la même façon. La conclusion, selon E.P.R., est que le formalisme quantique est incomplet, puisqu'il ne rend pas compte de ces propriétés variant d'une paire à l'autre.

La réponse de Bohr au raisonnement E.P.R. se situe au niveau des concepts. Pour la comprendre, dégageons, de façon quelque peu schématique, les trois hypothèses qui se trouvent à la base du raisonnement E.P.R. : les prédictions de la mécanique quantique sont justes [H1] ; aucune interaction ne peut se propager plus vite que la lumière (causalité relativiste) [H2] ; lorsque deux objets sont très éloignés l'un de l'autre, on peut parler séparément des éléments de réalité physique propres à chaque objet [H3].

C'est sur l'hypothèse H3, appelée principe de séparabilité lorsqu'elle est associée à H2, que se concentre la réfutation de Bohr. Pour lui, on ne peut pas parler dans l'abstrait des éléments de réalité physique d'un système ; toute expérience de physique comporte un système étudié et un appareil de mesure, et ce n'est qu'en précisant l'ensemble des deux que l'on peut parler de réalité physique. En conclusion, pour Bohr, la notion de réalité physique de E.P.R. est vide de sens.

C'est donc le concept de réalité physique séparable qui est au cœur du débat. Pour Einstein, le monde peut être conçu comme formé d'entités localisables dans l'espace-temps, munies de propriétés[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S., à l'Institut d'optique théorique et appliquée d'Orsay, maître de conférence à l'Ecole polytechnique, Palaiseau
  • : docteur; chargé de recherche au CNRS

Classification

Pour citer cet article

Alain ASPECT et Philippe GRANGIER. SÉPARABILITÉ ET NON-SÉPARABILITÉ, mécanique quantique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Mécanique quantique et probabilités - crédits : Encyclopædia Universalis France

Mécanique quantique et probabilités

Corrélation E.P.R. avec des paires de photons - crédits : Encyclopædia Universalis France

Corrélation E.P.R. avec des paires de photons

Expérience avec aiguillages optiques - crédits : Encyclopædia Universalis France

Expérience avec aiguillages optiques

Autres références

  • ESPAGNAT BERNARD D' (1921-2015)

    • Écrit par Universalis, Michel PATY
    • 1 205 mots

    Physicien français, spécialiste de l'étude des particules élémentaires, une des branches de la physique les plus marquées par le renouvellement rapide des connaissances, Bernard d'Espagnat fut un des penseurs notoires sur les problèmes conceptuels et philosophiques de la mécanique quantique. Dépassant...

  • INTRICATION QUANTIQUE

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 2 074 mots
    • 3 médias

    Presque cent ans après sa naissance, la physique quantique s'est révélée indispensable à la description des atomes et des interactions fondamentales. Pratiquement inintelligible sans le recours à une formulation mathématique difficile d'accès, les tentatives de vulgarisation de ses concepts ont toujours...

  • PRIX NOBEL DE PHYSIQUE 2022

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 1 687 mots
    • 1 média

    Le prix Nobel de physique 2022 a été décerné à trois spécialistes de l’optique ayant mené depuis les années 1970 des expériences décisives de physique quantique, « avec des photons intriqués, établissant ainsi la violation des inégalités de Bell » : le Français Alain Aspect...

  • QUANTIQUE PHYSIQUE

    • Écrit par Claude de CALAN
    • 5 273 mots
    • 6 médias
    ...le temps ou dans l'espace, doivent être, dans certains cas, considérés comme non séparables. Beaucoup d'encre a coulé à propos de cette non-séparabilité, certains allant jusqu'à dire que seule la fonction d'onde de l'Univers entier (tout à fait inaccessible !) avait un...

Voir aussi