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RUSSIE (Arts et culture) Le théâtre

La montée du stalinisme

Vers le réalisme socialiste

En 1927, la Conférence théâtrale sur l'agit-prop renforce le pouvoir du Comité de censure du répertoire, créé en 1923. M. Tchekhov et A. Granovski émigrent en 1928. Maïakovski se suicide en 1930. La dramaturgie soviétique se développe dans une direction qui va s'éloigner autant de l'intimisme que du grotesque des pièces d'Erdman, de Maïakovski ou même de Boulgakov, avec des œuvres comme celles de Vsevolod Vichnievski, La Lutte finale (montée par Meyerhold en 1931), puis La Tragédie optimiste (jouée chez Taïrov en 1933) et de N. Pogodine, Mon ami (monté par A. Popov au théâtre de la Révolution en 1932), et L'Homme au fusil, premier volet d'une trilogie sur Lénine (mis en scène par Ruben Simonov au théâtre Vakhtangov en 1937).

Les années 1930 sont marquées par les grandes compositions polyphoniques de Meyerhold (La Dame aux camélias, 1934, l'opéra La Dame de pique, 1935), par les audaces des mises en scène de Nikolaï Okhlopkov (Les Aristocrates de Pogodine, Théâtre réaliste, 1934), de Nikolaï Akimov, Iouri Zavadski. Deux processus sont à l'œuvre qui modifient le paysage théâtral. L'un est naturel, l'autre autoritaire : convergence des extrêmes, engendrée par la circulation des élèves et des collaborateurs des différents maîtres, et nivellement de l'ensemble par la montée du réalisme socialiste imposé en 1934 au Congrès des écrivains. Le formalisme, dont le synonyme théâtral est « meyerholdisme », est condamné. La censure sévit : interdiction des pièces d'Erdman (Le Suicidé en 1931) et de Boulgakov (La Cabale des dévots en 1936), fermeture du MKhAT 2 (1936), puis du GosTIM (sigle du théâtre d'État Meyerhold) en 1938. Le metteur en scène Alexeï Diki est arrêté en 1937, Meyerhold en 1939. Jugé sommairement, il est exécuté en 1940. D'autres sont envoyés au goulag où, comme Leonid Varpakhovski, survivent en montant des spectacles. Un climat de terreur asphyxie la vie du théâtre, comme celle de la société. Le MKhAT est imposé comme norme à l'ensemble des scènes soviétiques et le système de Stanislavski, jamais achevé ni reconnu comme tel par son auteur, se voit figé, stérilisé et identifié au réalisme socialiste. On parle alors de « Mkhatisation » de la vie théâtrale.

Le rapport Jdanov

Si la guerre interrompt la répression, les résolutions du rapport Jdanov en 1946 condamnent tout espoir de libéralisation et subordonnent à l'autorité du parti la production artistique au même titre que la production agricole ou industrielle. Les utopies des avant-gardes, perceptibles sur le plateau du Cocu magnifique, à travers le dispositif « machine-outil de jeu » et la cotte de travail de l'acteur-ouvrier de la scène, se sont ainsi retournées contre elles-mêmes. Le théâtre est désormais régi par la résolution « Sur le répertoire des théâtres dramatiques et les mesures pour l'améliorer » (1946). Le texte est privilégié par rapport à la mise en scène, la dramaturgie doit concerner des sujets contemporains et prendre pour modèle celle de Pogodine ; toute innovation formelle est condamnée comme susceptible de brouiller un message idéologique nécessaire et univoque : c'est le triomphe de la dramaturgie sans conflit, où le héros, dont la vie privée passe au second plan, est absorbé par les tâches de production (Sourov, Sofronov, Virta). L'orthodoxie esthétique est garantie par l'attribution rituelle de prix Staline. L'acteur Salomon Mikhoels, qui dirigeait le G.O.S.E.T. depuis le départ de Granovski, est assassiné en 1948 ; Taïrov et Akimov sont limogés en 1949. Les créations théâtrales sont ternes, médiocres, et le public marque son désintérêt. En 1952, on note un premier sursaut au XIXe Congrès du P.C.U.S., dans la bouche de Georgui Malenkov[...]

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Pour citer cet article

Béatrice PICON-VALLIN et Nicole ZAND. RUSSIE (Arts et culture) - Le théâtre [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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