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REPRODUCTIBILITÉ EN SCIENCES EXPÉRIMENTALES

Expliquer la non-reproductibilité

Plusieurs hypothèses sont possibles pour expliquer cette crise de reproductibilité des sciences de la vie et de la psychologie contemporaine.

La première explication est que le vivant ou la psyché humaine sont d'une telle complexité qu'il demeure toujours une marge de variabilité que l'expérimentateur le plus méticuleux ne peut contrôler. Les chercheurs en biologie aiment à raconter des anecdotes illustrant ces impondérables qui font qu'une expérience marche ou ne marche pas : les pics d'ozone de la pollution parisienne qui empêchent la croissance de telle lignée cellulaire ; des souches bactériennes ne poussant que très mal en hiver ; une réaction biochimique ne se produisant que dans un tube à essai tenu par un chercheur travaillant sans gants, peut-être parce que la chaleur de ses doigts suffit à catalyser la réaction… Ces anecdotes illustrent combien les dispositifs expérimentaux de la recherche en biologie restent mal maîtrisés. Même dans les conditions optimales pour tester la reproductibilité (un même chercheur reproduisant dans le même laboratoire, avec les mêmes réactifs, une expérience à cinq mois d'écart), on trouve des différences non négligeables, comme l'a montré un travail sur l'identification des gènes humains interagissant avec ceux du virus de la fièvre jaune. En cinq mois, le taux d'infection des cellules humaines par le virus est passé de 90 à 98 p. 100, les auteurs reconnaissant n'avoir aucune idée pour expliquer cette variation.

La deuxième explication est que les descriptions des méthodologies expérimentales dans les articles scientifiques sont insuffisamment détaillées pour permettre à l'expérience d'être reproduite dans un autre laboratoire. Ce manque de précision peut s'expliquer par des contraintes éditoriales (la place manquant pour donner, dans un article, tous les détails nécessaires), par l'existence de savoir-faire tacites, implicites, propres aux expérimentateurs, que ces derniers ne pensent pas à expliciter, ou encore par l'omission délibérée de certains détails cruciaux pour la réussite de l'expérience, de manière à préserver l'avance d'une équipe dans la très rude compétition internationale entre laboratoires.

La troisième explication est que les récentes mises en évidence du très faible taux de reproductibilité d'expériences importantes en biologie ou en psychologie ne font que traduire une pratique généralisée de l'embellissement des données, une des formes de cette fraude scientifique que l'on sait en plein développement. Dès lors, l'article scientifique ne présenterait qu'une version expurgée des véritables données expérimentales, ce qui rendrait leur reproduction difficile.

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Pour citer cet article

Nicolas CHEVASSUS-au-LOUIS. REPRODUCTIBILITÉ EN SCIENCES EXPÉRIMENTALES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Preuve graphique d'une fraude scientifique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Preuve graphique d'une fraude scientifique

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