ORIGINES DE L'URBANISME AU PROCHE-ORIENT
Le phénomène urbain, souvent assimilé au fondement de la civilisation elle-même, apparaît comme une caractéristique majeure de l'organisation des sociétés humaines depuis cinq millénaires, c'est-à-dire depuis le début de l'époque historique proprement dite. Dans l'état présent de la recherche, c'est en pays sumérien, dans la seconde partie du IVe millénaire, que l'on observe ses premières manifestations, et, très rapidement, l'ensemble du Proche- Orient est devenu le lieu de sa première grande expansion.
Parce que le phénomène urbain précède de peu l'apparition de l'écriture, puis accompagne celle-ci, historiens et archéologues sont directement concernés par l'étude du processus d'évolution de la communauté villageoise vers la cité ; les caractéristiques des premières cités, puis leurs transformations tout au long de l'Antiquité font partie du champ de leurs recherches, et leur intérêt se manifeste par de multiples études de détail, par des interrogations générales sur les principes et, pour certains archéologues, par la quête souvent naïve de la plus ancienne ville.
Définir ce qu'est une ville, et donc distinguer le moment où apparaît ce nouveau type de groupement par rapport au mode villageois, n'est pas toujours chose aisée. Les géographes ont depuis longtemps cherché à préciser les critères qui permettent de définir une ville. Et c'est souvent en s'appuyant sur leurs travaux que l'on a cherché à appréhender la ville ancienne. Cependant, des progrès substantiels ne seront possibles que lorsqu'on abordera l'étude des villes de l'Antiquité proche-orientale avec un esprit nouveau ; car le matériel sur lequel travaille l'historien de l'Antiquité n'est en rien comparable à celui du géographe ou de l'urbaniste contemporain. On doit en effet constamment garder en mémoire les difficultés que comporte l'étude de l'urbanisme antique et des conditions de sa naissance, difficultés qui tiennent à quelques faits de nature archéologique.
Les villes d'Orient se présentent à nos yeux comme de gigantesques champs de ruines. Sans même parler de Babylone (Irak), qui pourrait passer pour exceptionnelle, des diamètres supérieurs à 2 kilomètres pour les cités de Larsa ou d'Uruk (Irak) en pays sumérien sont tout à fait courants. Il est vrai que ces dimensions sont souvent le produit d'une très longue durée de vie : deux ou trois millénaires, parfois plus, et que la totalité de la surface repérée n'a pas été occupée en permanence. La structure urbaine évolue constamment, et l'on comprend les difficultés de l'enquête archéologique lorsqu'on essaye de définir les lignes structurales de cités aussi vastes, alors que l'exploration archéologique ne permet guère d'avancer de plus de quelques centaines de mètres carrés par mission. Après vingt-sept campagnes de fouille sur le tell de Mari, tell Hariri, Syrie, la Mission française a partiellement dégagé 8 hectares sur les 110 qui forment actuellement le champ de ruines, soit un quinzième du total ; et le sol d'origine n'a été atteint qu'en deux endroits du site et sur quelques dizaines de mètres carrés en tout. Que peut-on, dans ces conditions, connaître de la ville des origines ? La documentation offerte par l'archéologie est donc ponctuelle et discontinue, dans l'espace et dans le temps. Raisonner à partir de plans qui font apparaître seulement de petites surfaces fouillées, reliées artificiellement par des lignes de pointillé, c'est trop souvent reconstruire de façon hypothétique une cité qui n'a sans doute jamais existé.
Il faut franchir un autre obstacle : les villes de pierre du bassin méditerranéen, de l'Antiquité aux Temps modernes, présentent, grâce au matériau utilisé,[...]
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Écrit par
- Jean-Claude MARGUERON : professeur des Universités
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Médias