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ÉCOLOGISTE MOUVEMENT

Les défis de l’écologie radicale

Ainsi concurrencés sur leur droite, les partis écologistes doivent aussi composer avec des théories ou des activistes plus radicaux qu’eux. Les tenants de la « décroissance » s’inspirent des thèses de l’économiste du développement Nicholas Georgescu-Roegen. Face à la démesure technologique et énergétique de nos sociétés, ils proposent une rupture radicale de nos modes de vie par la réduction de la production et de la consommation. On peut citer dans cette mouvance Vincent Cheynet et le journal La Décroissance, la revue S!lence, les travaux de Serge Latouche ou de Paul Ariès… Quant à la « collapsologie », elle prend acte de l’« inévitable » effondrement de la civilisation industrielle et veut favoriser l’émergence de communautés locales résilientes et conviviales (Pablo Servigne, Raphäl Stevens…). L’écoféminisme critique l’androcentrisme et l’anthropocentrisme de l’écologie politique, à travers des figures comme Maria Mies, Vandana Shiva, Karen Warren, Donna Haraway, Starhawk, Val Plumwood (J. Burgart Goutal, 2020).

D’autres travaux théoriques enrichissent la pensée écologique. Ceux de Richard Grove (1997) sur le colonialisme et l’environnement préfigurent les interrogations de Joan Martinez Alier (2014) sur la place des plus pauvres dans les enjeux écologiques et sur la conciliation des impératifs environnementaux et sociaux – notamment pour les anciens peuples colonisés et les populations précarisées par la mondialisation. D’autres élaborent des « politiques de l’Anthropocène », en partant du constat que l’action de l’homme a fait basculer la Terre dans une nouvelle ère géologique. Enfin, la théologie elle-même s’empare de la question écologique, comme en témoigne l’encyclique Laudato si’ du pape François en 2015.

L’écologie politique est aussi confrontée au radicalisme que suscite, à partir des années 1990, un sentiment d’urgence de plus en plus intense : actions « coups de poing » d’une partie des défenseurs de la cause animale ; « néoluddites » (leur nom fait référence aux luddites briseurs de machine du xixe siècle) s’en prenant aux OGM, aux nanotechnologies, aux puces RFID (technique de télésurveillance), à la biométrie, et plus généralement à la société industrielle et ses technologies de surveillance ; recours à l’action directe non violente et à la désobéissance civile de nombreux groupes comme Extinction Rebellion, Youth for Climate, Désobéissance écolo, 350.org; développement des ZAD (les « zones à défendre »)… Les formes que prend ce renouveau de l’activisme militant sont aussi des remises en cause de la recherche du compromis pratiquée par l’écologie politique traditionnelle.

Ainsi, l’écologie politique française, toujours en butte à un système électoral défavorable, doit à la fois faire face à la banalisation de ses analyses (tous les partis se veulent « écolos ») et à la concurrence de théories et de militants plus radicaux. Cette situation conforte son message originel, mais ne facilite pas ce qui devrait être son principal objectif : imposer les conditions politiques d’une transformation en profondeur de l’économie, du système productif et de la société française.

Les propositions de l’écologie politique restent bien sûr, et plus que jamais, au cœur des enjeux économiques et sociaux contemporains. S'inscrivant dans la lignée des courants humanistes, elle a su élargir l’idée de solidarité entre les êtres humains à notre patrimoine commun, la Terre. Les thèses qu’elle a imposées (sur les ressources naturelles, la biodiversité, le climat…) ont montré que le développement économique ne pouvait plus ignorer les limites posées par la nature. En tentant de promouvoir un projet politique de réorganisation de nos sociétés, les partis écologistes ont mis au centre du débat public les impératifs[...]

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Écrit par

  • : professeur de science politique, AgroParis Tech, membre du laboratoire Printemps (professions, institutions, temporalités)

Classification

Pour citer cet article

Bruno VILLALBA. ÉCOLOGISTE MOUVEMENT [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Nicolas Hulot et les associations de défense de l'environnement reçus à l'Élysée - crédits : Patrick Kovarik/ AFP

Nicolas Hulot et les associations de défense de l'environnement reçus à l'Élysée

Henry David Thoreau - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Henry David Thoreau

Sabotage du <it>Rainbow Warrior</it> - crédits : Sydney Freelance/ Liaison/ 3rd Party - Agents/ Getty Images

Sabotage du Rainbow Warrior

Autres références

  • ALLEMAGNE (Politique et économie depuis 1949) - République fédérale d'Allemagne jusqu'à la réunification

    • Écrit par Alfred GROSSER, Henri MÉNUDIER
    • 16 391 mots
    • 10 médias
    ...obtenant 4,3 p. 100 des voix. S'il avait réussi à faire élire des députés, la coalition S.P.D.-F.D.P. ne serait pas arrivée au pouvoir cette année-là. L'élection des députés écologistes en 1983 met fin à une longue période de tripartisme, mais sans que le jeu des institutions en soit modifié, car la coalition...
  • AUSTRALIE

    • Écrit par Benoît ANTHEAUME, Jean BOISSIÈRE, Bastien BOSA, Vanessa CASTEJON, Universalis, Harold James FRITH, Yves FUCHS, Alain HUETZ DE LEMPS, Isabelle MERLE, Xavier PONS
    • 27 355 mots
    • 29 médias
    ...sable au monde – dans le Queensland), véritables conservatoires de la nature. Les craintes liées aux conséquences des dégradations sont relayées par un courant écologiste quasi intégriste (s'apparentant à la deepecology), qui prône les valeurs de l'endémisme en proposant, entre autres, la suppression...
  • AUTRICHE

    • Écrit par Roger BAUER, Jean BÉRENGER, Annie DELOBEZ, Universalis, Christophe GAUCHON, Félix KREISSLER, Paul PASTEUR
    • 34 125 mots
    • 21 médias
    Bruno Kreisky et son parti n'ont pas compris la place nouvelle revenant à l'écologie dans la société autrichienne. En 1978,une campagne contre la mise en service de la centrale nucléaire de Zwentendorf impose un référendum, lors duquel les Autrichiens se prononcent à 50,47 % contre le nucléaire....
  • BULGARIE

    • Écrit par Roger BERNARD, André BLANC, Christophe CHICLET, Nadia CHRISTOPHOROV, Universalis, Jack FEUILLET, Vladimir KOSTOV, Edith LHOMEL, Robert PHILIPPOT
    • 26 995 mots
    • 12 médias
    ...de soutien à la perestroïka et à la glasnost, Association indépendante des droits de l'homme (pour la minorité turque) et Club de Roussé (écologiste). En février 1989 vient le tour du syndicat indépendant Podkrepa (« Soutien », en langue bulgare) puis, deux mois plus tard, la fondation par des écologistes...
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Voir aussi