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MON CŒUR MIS À NU, Charles Baudelaire Fiche de lecture

Charles Baudelaire , Nadar - crédits : Nadar/ Hulton Archive/ Getty Images

Charles Baudelaire , Nadar

C'est en 1887, dans les Œuvres posthumes, que furent publiés pour la première fois, sous l'appellation de Journaux intimes, les trois ensembles de notes rédigées par Baudelaire entre 1855 et 1865 pour Fusées et Hygiène que Jacques Crépet rattache au premier recueil, et 1859-1866 pour Mon Cœur mis à nu. Ce dernier titre semble avoir été inspiré à l'auteur par Edgar Poe dans ses Marginalia : « S'il vient à quelque ambitieux la fantaisie de révolutionner d'un seul coup le monde entier de la pensée humaine, de l'opinion humaine et du sentiment humain, l'occasion s'en offre à lui. La route qui mène au renom universel s'ouvre droite et sans obstacle devant lui. Il lui suffira en effet d'écrire et de publier un très petit livre. Le titre en sera simple – quelques mots bien clairs – Mon Cœur mis à nu. [...] Mais l'écrire – voilà la difficulté. Aucun homme ne pourrait l'écrire, même s'il l'osait. Le papier se recroquevillerait et se consumerait au moindre contact de sa plume enflammée. » Le texte de ces recueils de notes trouva son établissement quasi définitif dans l'édition que donna en 1949 Jacques Crépet des Journaux intimes.

Journal intime ou notes de travail ?

Mon Cœur mis à nu se compose de quarante-huit feuillets, où se succèdent, sans logique ni contrainte, des fragments de formes diverses : « Je peux commencer Mon Cœur mis à nu n'importe où, n'importe comment, et le continuer au jour le jour, suivant l'inspiration du jour et la circonstance, pourvu que l'inspiration soit vive. » Si Baudelaire adopte le style elliptique et lapidaire caractéristique du journal intime, on ne trouve pas ici la régularité quasi quotidienne du diariste. Les feuillets ne sont d'ailleurs pas datés, et correspondent davantage à des notes informelles prises au gré du moment et des situations : le fragment 3, par exemple, est écrit sur un papier à en-tête de l'hôtel du Grand Miroir de Bruxelles, où Baudelaire résidait alors ; d'autres sont accompagnés de coupures de journaux, dont tel article a inspiré le propos.

En réalité, plus qu'à un journal intime, Mon Cœur mis à nu s'apparente à un carnet de travail, destiné à préparer la rédaction d'un ouvrage de grande envergure par son ambition, mais pas nécessairement très long, mélange d'autobiographie et de pamphlet, qui ne vit jamais le jour. En attestent de nombreuses allusions, notamment dans des lettres de l'auteur à sa mère : « Un grand livre auquel je rêve depuis deux ans : Mon Cœur mis à nu, et où j'entasserai toutes mes colères. Ah ! si jamais celui-là voit le jour, les Confessions de J.J. paraîtront pâles. »

Dans ces fragments, se mêlent les notations personnelles (« Étant enfant, je voulais être tantôt pape, mais pape militaire, tantôt comédien »), les rappels autobiographiques (« Mon ivresse en 1848 ») les réactions à chaud à des propos lus ou entendus : « Sottises de Girardin. Notre habitude est de prendre le taureau par les cornes. Prenons donc le discours par la fin (7 nov. 1863). Donc, Girardin croit que les cornes des taureaux sont plantées sur leur derrière. Il confond les cornes avec la queue », les réflexions plus générales, d'ordre moral ou politique (« Être un homme utile m'a paru toujours quelque chose bien hideux »), et les idées à développer ultérieurement (« Portrait de l'artiste, en général »).

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Guy BELZANE. MON CŒUR MIS À NU, Charles Baudelaire - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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Charles Baudelaire , Nadar - crédits : Nadar/ Hulton Archive/ Getty Images

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