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POLANYI MICHAEL (1891-1976)

Médecin, chimiste, philosophe et économiste hongrois, né à Budapest, où il commença ses études, poursuivies ensuite à Karlsruhe, Michael Polanyi fut reçu docteur en médecine à vingt-deux ans. Sa volonté d'approfondir les notions qu'il avait reçues le fit abandonner cette discipline pour l'un de ses fondements : la chimie physique – courageuse démarche de jeunesse, qu'il devait refaire plus tard en direction presque inverse. Pourtant, ce fut dans ce nouveau domaine qu'il acquit sa renommée mondiale, notamment en contribuant au développement de la cinétique chimique et à la théorie des états de transition ; en 1928, il montra comment la « texture » des cristaux, c'est-à-dire la taille des cristallites élémentaires et la façon dont ils sont orientés résulte des traitements mécaniques et aussi thermiques ; en 1933, il publia Atomic Reactions. Même le non-initié sera frappé par la diversité des domaines dans lesquels il a publié deux cent dix-huit articles scientifiques de 1910 à 1949. En 1923, il était privatdozent à la Technische Hochschule de Berlin et membre du Kaiser Wilhelm Institute für physikalische Chemie ; il dut fuir le nazisme en 1933 et s'établir en Angleterre. Constatant lors d'une visite en U.R.S.S. en 1935 l'asservissement de l'esprit, même chez les savants, à des contraintes extérieures, il reconnut aussi peu à peu la gravité de ce mal dans les pays occidentaux.

Il appréciait cependant au plus haut point la communauté scientifique internationale et ce ne fut qu'avec déchirement que le désir d'approfondissement de sa recherche de la vérité, caractéristique de sa personnalité, l'en arracha en 1948 : il abandonna sa chaire de chimie physique à la Victoria University de Manchester pour les études sociales et la philosophie. Et bien que, surtout aux États-Unis, les savants le reconnussent toujours pour l'un des leurs, ses vues sur les fondements de la connaissance et sur le fonctionnement de l'esprit ne furent bien comprises que de quelques-uns.

Pionnier d'une philosophie nouvelle, Polanyi ne pouvait ignorer les risques qu'il courait : sûr de la ligne principale de son raisonnement, il ne put éviter les occasions des malentendus qui expliquent probablement l'ignorance où l'on est resté, en France, de l'ensemble de sa pensée. Pourtant il y garda de très chaleureuses amitiés, grâce auxquelles fut rendue possible sa présentation à l'O.R.T.F. le 15 décembre 1968. Aux États-Unis en revanche, la Polanyi Society (Curry College, Milton, Mass.) est bien vivante ; elle a publié de nombreux ouvrages sur les divers aspects de la pensée de Polanyi.

Son œuvre intéresse tous les domaines de l'activité humaine, de la philosophie aux techniques les plus variées, en passant par les sciences et les arts. Il montre d'abord que la racine profonde de la téléologie, qui, bien qu'ouvertement bannie comme antiscientifique, règne en fait dans les sciences de la nature, n'est autre que l'opposition aristotélicienne et thomiste entre matière et forme, théorie qui, malgré ses insuffisances, fut encore influente pendant la Renaissance par l'idée venue de Galilée : toute chose n'est finalement que matière en mouvement. Même de nos jours, elle reste, inébranlée, à la base de la conception qui est dominante dans les sciences, celle de Laplace : la connaissance complète des lois gouvernant les éléments premiers nous donnerait la connaissance ultime de toutes choses. La phénoménologie a bien montré que l'on ne gagne rien à réduire les niveaux supérieurs de l'existence, l'activité mentale de l'homme en particulier, aux principes des choses plus tangibles grâce auxquelles ces manifestations peuvent se produire. Mais cette critique ne s'est pas étendue à la connaissance scientifique ; or il ne peut y avoir divorce[...]

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Écrit par

  • : agrégé d'anglais, maître assistant d'anglais, directeur du laboratoire de langues à l'U.E.R. de Marseille-Luminy

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Pour citer cet article

Raymond THOMAS. POLANYI MICHAEL (1891-1976) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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