Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

RAVEL MAURICE (1875-1937)

Le jeu et la gageure

C'est Vladimir Jankélévitch qui, le premier, discerna, chez Ravel, ce goût prononcé pour la gageure, pour le pari, pour le jeu dont on invente soi-même les règles et que, par conséquent, on se doit de gagner. Mais peut-être ce jeu n'est-il que l'expression du paradoxe d'un esprit en qui coexistent une originalité certaine et des scrupules traditionalistes. À cet égard, nul mieux que Ravel n'illustre cette boutade d'Arnold Schönberg (d'un an son aîné) : « Il y a encore beaucoup de bonne musique à écrire en ut majeur. » Mais, pour écrire, encore, de la bonne musique en ut majeur, il faut imaginer et résoudre les problèmes qu'une telle musique est susceptible de poser. C'est toujours Jankélévitch qui remarque quel prodigieux tour de force technique représente le fait d'écrire toute une pièce pour piano (Le Gibet, dans Gaspard de la nuit) autour d'une pédale obstinée de si bémol. Il serait, par ailleurs, banal de rappeler qu'il s'agit encore d'un véritable défi aux possibilités instrumentales dans le fameux Concerto pour la main gauche (1931) à l'audition duquel un auditeur imparfaitement exercé reconnaît difficilement que le pianiste ne dispose que d'une seule main. Pari encore avec lui-même que cette Sonate pour violon et violoncelle (1922) dans laquelle l'extrême mobilité polyphonique supplée, sans qu'il y paraisse, aux impossibilités harmoniques de deux instruments dont la nature est foncièrement mélodique. Enfin, que dire de ce Boléro, qui est sans conteste son œuvre la plus célèbre, et cela, sans doute, à cause d'un absurde malentendu. Car, en effet, si le Boléro dut son succès à la répétition incantatoire d'une même ligne mélodique, le génie de son auteur réside en la variation perpétuelle de l'instrumentation et de l'orchestration qui, remplaçant les développements traditionnels, en font l'une des œuvres les plus originales du début du xxe siècle.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique de Paris

Classification

Pour citer cet article

Michel PHILIPPOT. RAVEL MAURICE (1875-1937) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Maurice Ravel - crédits : Topical Press Agency/ Getty Images

Maurice Ravel

Jorge Donn - crédits : Linda Vartoogian/ Getty Images

Jorge Donn

Autres références

  • DAPHNIS ET CHLOÉ (M. Ravel)

    • Écrit par Alain PÂRIS
    • 330 mots
    • 1 média

    Commande de Serge de Diaghilev pour les Ballets russes, composé entre 1909 et 1912, Daphnis et Chloé, ballet en un acte et trois parties sur un argument de Michel Fokine et Maurice Ravel d'après le roman pastoral de Longus, est créé le 8 juin 1912 au théâtre du Châtelet, à Paris, sous la direction...

  • ARRANGEMENT, musique

    • Écrit par Michel PHILIPPOT
    • 4 319 mots
    • 1 média
    ...lesquels aucune prise n'est laissée à la contestation : ce sont ceux dans lesquels nous voyons que l'arrangeur est le compositeur lui-même. Dans le cas de Ravel, qui a orchestré une grande partie de ses œuvres pour piano, il est parfois permis de se demander si la version primitivement pensée par le compositeur...
  • BOLÉRO

    • Écrit par Pierre-Paul LACAS
    • 258 mots

    Danse espagnole (bolero : celui qui danse le bolero ; vient de bolla : boule), à 3/4, dans un tempo modéré, d'un style calme et noble ; on l'exécute avec chant et castagnettes, voire guitare et tambour de basque. Le boléro semble avoir été connu au xviie siècle, mais c'est vers...

  • CAISSE CLAIRE, en bref

    • Écrit par Eugène LLEDO
    • 1 182 mots
    • 11 médias
    Le plus célèbre emploi de la caisse claire dans la musique savante est sans conteste le Boléro, ballet pour orchestre de Maurice Ravel (1928), avec sa partie obstinée, présente pendant toute la pièce. Un ensemble fourni de percussions – parmi lesquelles la caisse claire – occupe une place centrale...
  • LONG MARGUERITE (1874-1966)

    • Écrit par Pierre BRETON
    • 926 mots

    La pianiste et pédagogue française Marguerite Long (dont le véritable prénom est en fait Marie-Charlotte) naît à Nîmes le 13 novembre 1874. Elle a douze ans quand, au cours d'une tournée, Théodore Dubois, inspecteur des Beaux-Arts et professeur au Conservatoire de Paris, la découvre...

  • Afficher les 12 références

Voir aussi