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MANHATTAN, film de Woody Allen

À la fin des années 1970, Woody Allen semble se décider à aborder de front les problèmes existentiels qu'avaient traités en leur temps les cinéastes auxquels il voue une admiration sans bornes, Renoir, Fellini et Bergman. Pour lui qui a débuté au cinéma comme parodiste – par exemple en écrivant Quoi de neuf, Pussy Cat ? (Clive Donner, 1965), ou encore en se livrant au détournement néo-situationniste d'un film de karaté dans What's up, Tiger Lily ? (1966) –, l'heure vient d'affronter les vieux maîtres. C'est ce qu'il fait dans une sorte de trilogie qui comprend, outre Manhattan, Intérieurs (1978) et Stardust Memories (1980). Manhattan combine les deux thématiques que chacun des autres films explore séparément : la question des parts respectives de la nature et de la culture dans le sentiment amoureux (traitée par le bergmanien Intérieurs), et les affres de la création artistique (traitées par le fellinien Stardust Memories, le Huit et demi (1963) de son auteur). Photographié dans un somptueux noir et blanc par le chef opérateur de la trilogie du Parrain, Manhattan est au final une comédie romantique peuplée de personnages hésitants qui, comme le dit son narrateur off, « se créent des problèmes névrotiques pour éviter d'affronter les questions essentielles ».

L'intelligence ou la beauté ?

Ike – ou Isaac, lorsqu'il se réclame de sa judéité – écrit des scénarios comiques pour la télévision commerciale – à moins qu'il ne se lance dans l'écriture d'un grand livre sur « le déclin des valeurs ». Il a quarante-deux ans, vit confortablement à Manhattan et entretient une liaison avec la belle Tracey, dix-sept ans. Mais, comme pour son identité et son métier, il hésite aussi en matière amoureuse. Tracey est bien jeune – « Je sors avec une fille qui a des devoirs à faire ! », se désole Ike en souriant à demi – et sa conversation n'a pas le brillant de celle de Mary, la maîtresse de son meilleur ami. Un jour il se décide, abandonne son emploi de gagman pour devenir écrivain et quitte Tracey pour Mary. Mais ce n'est pas si simple. Il doit louer un appartement plus petit car l'art ne rapporte pas ; quant à Mary, flanquée d'un teckel qu'elle considère comme son « pénis de substitution », elle se révèle difficile à vivre. Comble d'avanies, l'ex-femme d'Ike, passée à l'homosexualité depuis leur divorce, publie une autobiographie à succès dans laquelle elle révèle les petits travers de son ex-mari. Dressant un jour de vague à l'âme la liste des choses qui font que la vie vaut la peine d'être vécue, Ike pense soudain à Tracey – mais il est trop tard, elle s'envole pour Londres.

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Pour citer cet article

Laurent JULLIER. MANHATTAN, film de Woody Allen [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALLEN WOODY (1935- )

    • Écrit par Joël MAGNY
    • 2 535 mots
    • 2 médias
    ...de films, il part d’une base authentique minimale, parfois simplement sa vie sexuelle et sentimentale du moment, mais pour tisser un cocon protecteur. C’est la fonction du décor, des appartements cosy de Manhattan, des lumières douces, des teintes chaudes, des mouvements de caméra tout en douceur,...

Voir aussi