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LEROI JONES EVERETT puis BARAKA AMIRI (1934-2014)

Everett Leroi Jones, qui prit par la suite le nom d’Amiri Baraka, fut tout à la fois poète (Black Magic 1961-1967, 1969), conteur, essayiste (Le Peuple du blues, Blues People, 1963), romancier (Le Système de l'Enfer de Dante, The System of Dante'sHell, 1965 ; Histoires, Tales, 1967), auteur dramatique (Le Métro fantôme, Dutchman, 1964 ; Théâtre noir révolutionnaire, Four Black RevolutionaryPlays, 1969), essayiste (Raise Race Rays Raze : EssaysSince 1968, 1971). Né à Newark (New Jersey), c’est dans le quartier de Greenwich Village, à New York, qu’il découvre le jazz et devient proche du mouvement beatnik. Avec sa femme, Hettie Cohen, il fonde en 1958 la revue Yugen, qui publie notamment Jack Kerouac et Allen Ginsberg. Après l’assassinat de Malcolm X, en 1965, il quitte femme et enfants, se rapproche du mouvement Nation of Islam, se fait appeler Amiri Baraka et se convertit à l’islam. Il va alors devenir le prophète de la « révolution noire » et du retour à l'Afrique, dans le sillage des Black Panthers. Par la suite, ses positions politiques – à caractère souvent antisémite – déchaîneront régulièrement la polémique.

Pour ce militant noir, la littérature et l'art n'ont de sens qu'en tant qu'actes politiques débouchant sur la prise de conscience et l'action révolutionnaire ; le but poursuivi : la destruction de l'Amérique blanche ; puis, dans une perspective internationaliste, la suppression de la domination blanche partout où elle existe. Pour ce faire, il faut d'abord briser les fausses valeurs : refuser la culture blanche, ses religions, son rationalisme et, surtout, le mythe de l'intégration pacifique ; il faut supprimer chez les Noirs l'habitude d'utiliser la société blanche comme code de référence. Privilégier l'irrationnel et la magie, la spécificité afro-américaine, c'est-à-dire dégager la nécessité impérieuse de se percevoir comme Noir, d'appréhender le monde en tant que Noir, et de le transformer pour les Noirs (Black Music, 1967, Black Value System, 1970).

Dans l'enfer de Jones, qui compare l'Enfer de Dante aux ghettos noirs des villes américaines, le cercle de la violence est occupé par les Blancs. Cette violence exaspérée, il convient maintenant que le monde noir se l'approprie. C'est pourquoi chaque œuvre de Jones est une flambée brutale de destruction, qui commence par le langage et s'inspire volontiers d'Artaud et de Genet. Pour Jones, en effet, les véritables sources de l'aliénation sont de nature culturelle, et la révolution doit donc s'appuyer sur le verbe : le sien est iconoclaste, et la poésie est avant tout une arme : « Nous voulons des poèmes qui tuent. »

Leroi Jones a publié son autobiographie en 1984. Il a, par ailleurs, continué de frayer la voie poétique qui est la sienne (Poetry for the Advanced, 1978 ; Funk Love, 1996) et de publier des essais sur la musique (Réflections on Jazz and Blues, 1987) qui approfondissent la réflexion entamée dans ce qui reste son plus beau livre, Le Peuple du blues.

— Jean-Paul ROSPARS

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, maître assistant à l'Institut Charles-V, université de Paris-VII-Denis-Diderot

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Jean-Paul ROSPARS. LEROI JONES EVERETT puis BARAKA AMIRI (1934-2014) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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