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KADARÉ ISMAÏL (1936- )

Ismail Kadaré - crédits : Dan Porges/ Getty Images

Ismail Kadaré

Ismail Kadaré est un auteur dont l'œuvre est aussi inattendue qu'inespérée. Dans un pays qui fut l'un des plus totalitaires de la planète, l'Albanie, il parvint à se hisser au rang d'écrivain national, tout en façonnant une œuvre de plus en plus critique. Le paradoxe est de taille et n'a pas manqué de nourrir une suspicion persistante à son égard. Force est de reconnaître, cependant, que l'auteur a mené un authentique combat littéraire. À plusieurs reprises, il fut sérieusement inquiété jusqu'à ce que, au moment d'être condamné, le dictateur, Enver Hoxha vienne interrompre le processus. L'écrivain s'interroge encore sur cette étrange mansuétude.

Un écrivain national sur la sellette.

Ismail Kadaré est né en 1936, à Gjirokastër. Il grandit avec le communisme qui s'est instauré dès 1945 en Albanie. Étudiant, il est envoyé à Moscou pour parfaire ses talents littéraires. En parodiant L'Enfer de Dante, il raconte, dans Le Crépuscule des dieux de la steppe (1978), le profond dégoût que lui inspira le réalisme socialiste. L'écrivain considère qu'il fut immunisé contre cette doctrine grâce aux modèles classiques qu'il vénère et dont ses œuvres sont imprégnées : Homère, Eschyle, Dante, Shakespeare, Cervantès, Gogol. En 1960, la rupture albano-soviétique l'oblige à rentrer à Tirana. Sa vie va alors se confondre avec son œuvre. Le succès à l'étranger de son roman, Le Général de l'armée morte (1963), publié en France en 1970, va lui assurer une notoriété unique dans son pays. En dépit de quelques tentations, Kadaré se refusera à le quitter. Ses ouvrages seront presque tous publiés, encourant, le plus souvent, le silence de la part de la critique ou des remontrances. À quatre reprises, il essuya de vives réprobations : en 1973 (L'Hiver de la grande solitude), en 1975 (pour le poème « Les Pachas rouges »), en 1982 (Le Palais des rêves), en 1985 (Clair de lune). Il fut, néanmoins, au vu de sa célébrité, nommé député en 1970 avant d'être démis de son poste en 1982. Dans l'austère Tirana, Kadaré a ainsi édifié une œuvre considérable, sans exercer pour autant d'influence politique. Il a eu, toutefois, le privilège rare de pouvoir voyager. Cependant, la lecture entre les lignes à laquelle invitaient, ses ouvrages, courrouça le pouvoir qui le déclara officiellement « ennemi », lors du Plénum des écrivains de 1982, mais sans lui infliger la moindre peine... L'écrivain a ainsi fini par acquérir le statut de seul opposant toléré dans ce pays sans dissidence – une situation qui lui valut tout à la fois prestige, incompréhension et haine. En novembre 1990, trouvant que les réformes tardaient, et se sentant personnellement menacé, il décida de demander l'asile politique à la France. Après la chute du régime communiste, en 1992, il refusa la présidence de la République.

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Écrit par

  • : professeur agrégé, docteur en lettres modernes, habilité à diriger des recherches en littératures comparées

Classification

Pour citer cet article

Jean-Paul CHAMPSEIX. KADARÉ ISMAÏL (1936- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Ismail Kadaré - crédits : Dan Porges/ Getty Images

Ismail Kadaré

Autres références

  • LA POUPÉE (I. Kadaré) - Fiche de lecture

    • Écrit par Jean-Paul CHAMPSEIX
    • 996 mots
    • 1 média

    Ismaïl Kadaré a souvent parlé de lui-même. Il a transposé dans Chronique de pierre son enfance et dans Le Crépuscule des dieux de la steppe ses années d'études à l'institut Gorki de Moscou. Toutefois, il parle davantage des situations – la guerre et la nocivité du réalisme socialiste...

  • ALBANIE

    • Écrit par Anne-Marie AUTISSIER, Odile DANIEL, Universalis, Christian GUT
    • 22 072 mots
    • 9 médias
    ...construire l'Albanie nouvelle. La littérature devient un instrument de propagande pour le parti, aux prescriptions duquel tout écrivain se doit d'obéir. Ismaïl Kadaré, né en 1936, émerge comme une figure qui a pu sauvegarder la création littéraire à travers maints subterfuges et symboles que les censeurs...
  • LE CRÉPUSCULE DES DIEUX DE LA STEPPE, Ismaïl Kadaré - Fiche de lecture

    • Écrit par Jacques JOUET
    • 1 210 mots
    • 1 média

    « Chez nous, la parole donnée, la bessa, est quelque chose d'absolu, et la violer est la plus grave des ignominies [...]. On dit que même le chêne, s'il trahit la confiance qu'on lui a faite, voit ses branches se dessécher », affirme l'écrivain albanais Ismaïl Kadaré...

Voir aussi