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FORTIFICATIONS

Fortification et stratégie

La fortification n'est pas un but en soi, mais un moyen d'améliorer le terrain afin de favoriser la manœuvre de ses propres troupes et de contrarier celle de l'adversaire. Elle n'est qu'un moyen, parmi d'autres, mis à la disposition d'une stratégie, elle-même émanation d'une politique.

Obstacle continu et imperméabilité

En Égypte, les pharaons des IIIe et IVe dynasties, très pacifiques, ne visent aucune conquête et ne recherchent que la protection de leur domaine contre les nomades asiatiques. Aussi barrent-ils l'isthme de Suez et élèvent-ils des forts sur la route de Canaan. Leurs successeurs de la XIIe dynastie ferment le haut Nil, en amont de la deuxième cataracte, en transformant les falaises rocheuses en forteresses : c'est le mur dit de Sésostris (env. 1850 av. J.-C.).

Grande Muraille de Chine - crédits : v.apl/ Shutterstock

Grande Muraille de Chine

Cette notion d'obstacle continu qui doit assurer l'imperméabilité d'une frontière persiste au cours des siècles. La grande muraille s'élève en Chine de 221 à 203 avant J.-C. ; elle est reprise, en matériau solide, au xve siècle et déroule sur des milliers de kilomètres un mur haut de seize mètres que couronne un chemin de ronde.

Le limes romain procède d'une conception défensive identique, quoique plus élaborée. C'est en Bretagne que son évolution est particulièrement caractéristique de l'adaptation de la fortification à la politique extérieure. Quand Agricola pénètre pour la première fois, en 79, en Calédonie (Écosse), il conserve le terrain conquis, y établit une ligne de forts dont la mission est double : couverture de la province méridionale, base d'expansion ultérieure vers le nord. À cette conception du limes ouvert, Hadrien substitue celle du limes fermé, consécration de sa politique défensive, et fait construire le mur d'Hadrien entre les mers du Nord et d'Irlande, à hauteur de la Tyne. C'est un mur continu, protégé par un fossé, doublé d'une rocade surveillée par des camps permanents (castella) et de petits châteaux (burgi). En Germanie, entre Rhin et Danube, le mur est remplacé par un fossé garni de palissade, doublé d'une route militaire qui est surveillée par des tours de guet et protégée par des forts, d'abord en terre, puis reconstruits en pierre sous Hadrien.

Bien des siècles plus tard, pendant les opérations en Algérie, de 1956 à 1962, une méthode analogue est employée pour la construction de barrages-frontières chargés de s'opposer aux infiltrations d'hommes et d'armement depuis la Tunisie ou le Maroc. Le barrage est un limes où la haie électrifiée, couverte par des champs de mines, remplace le talus palissadé, mais où subsistent les postes de surveillance et la rocade, que parcourt la « herse ». Le renforcement quantitatif et qualitatif des unités qui se constituent au-delà des barrages va imposer à ceux-ci, à l'origine très linéaires, une profondeur qui se traduit par la multiplication des obstacles ; il exige aussi un renforcement de la protection contre les mortiers et l'artillerie qui oblige à recourir à la fortification bétonnée. Légère fortification de campagne à ses débuts, évoluant peu à peu vers la fortification permanente, cette organisation défensive s'accompagne du radar qui permet soit de surveiller les vastes étendues désertiques du sud, soit de déceler les cheminements ou de localiser les départs des tirs de mortiers.

Jour J : le débarquement de Normandie, 1944 - crédits : National Archives

Jour J : le débarquement de Normandie, 1944

Quelques années auparavant, Hitler avait prétendu interdire tout débarquement anglo-saxon en Europe continentale en faisant édifier par l'organisation Todt le mur de l'Atlantique (Atlantikwall). Le manque de temps et de moyens en fit un mur discontinu, composé de très gros ouvrages bétonnés dans les ports, de blockhaus, de casemates d'artillerie et d'obstacles minés sur les parties jugées les plus vulnérables de la côte. Ce mur sans[...]

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Écrit par

  • : docteur habilité à la recherche, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, ancien chef du service historique de l'Armée de terre

Classification

Pour citer cet article

Jean DELMAS. FORTIFICATIONS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Porte des Lions, Mycènes - crédits : A. Vergani/ De Agostini/ Getty Images

Porte des Lions, Mycènes

Angle mort - crédits : Encyclopædia Universalis France

Angle mort

Tracé bastionné - crédits : Encyclopædia Universalis France

Tracé bastionné

Autres références

  • ACHÈVEMENT DE LA GRANDE MURAILLE DE CHINE

    • Écrit par Alain THOTE
    • 247 mots
    • 1 média

    La Grande Muraille fut achevée sous les Ming par un dernier tronçon construit au nord de Lanzhou (Gansu) en 1598. C'était l'aboutissement d'une entreprise ayant connu de très longues périodes d'interruption, mais commencée dès l'époque des Printemps et des Automnes (vers — 500) par les Chinois pour...

  • ACROPOLE

    • Écrit par Martine Hélène FOURMONT
    • 497 mots

    Dans le monde grec, l'acropole (akropolis, « ville haute »), groupement de bâtiments installés sur une éminence, n'apparaît pratiquement qu'à l'époque mycénienne — la Crète ne semble pas avoir systématiquement isolé ses villes sur des hauteurs. On associe généralement l'apparition des acropoles...

  • ALBANIE, archéologie

    • Écrit par Olivier PICARD
    • 2 304 mots

    L'archéologie n'était pas une discipline neutre dans les anciens pays communistes de l'Est : aussi bien la volonté d'écrire une histoire officielle, à la fois nationale et dans le vent de la philosophie du régime, que celle de remodeler le paysage en éliminant les monuments jugés obscurantistes au...

  • ALÉSIA

    • Écrit par Michel REDDÉ
    • 1 046 mots
    • 2 médias

    Premier site de l'histoire de la nation française, Alésia a été rendu célèbre par le fameux passage de la Guerre des Gaules (VII, 68-89) dans lequel César met en scène la défaite de Vercingétorix en 52 avant J.-C. Devenu « lieu de mémoire » et symbole national de la résistance à...

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Voir aussi