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DISCOURS DE LA SERVITUDE VOLONTAIRE, Étienne de La Boétie Fiche de lecture

Écrit par un auteur à peine sorti de l'adolescence, le Discours de la servitude volontaire a confirmé jusqu'à nos jours sa réputation d'être, de tous les ouvrages jamais parus, le plus radical, au sens où l'entend Marx : « Être radical, c'est prendre les choses par la racine, et la racine, pour l'homme, c'est l'homme lui-même. »

Aucun livre n'a sans doute suscité, par sa singularité, autant de réticences, avouées ou tacites. Interdit par toutes les dictatures, tenu à l'écart des grandes traditions culturelles, ravalé à un simple et brillant exercice de style, réédité le plus souvent dans la langue abrupte du xvie siècle, qui en rend la lecture malaisée, et, par-dessus tout, approuvé par des lecteurs que leur adhésion intellectuelle n'induit pas pour autant à s'affranchir de toute tyrannie, le texte d'Étienne de La Boétie, pertinent depuis plus de quatre siècles, ne cesse de gagner en importance en raison du désarroi de notre époque, où le sort des individus relève d'une détermination personnelle plus que d'un pouvoir souverain ou d'instances providentielles, désormais tombés en désuétude.

La rédaction

Selon Montaigne, La Boétie (1530-1563) aurait écrit son livre à seize ou dix-huit ans, soit en 1546 ou, plus probablement, en 1548, le corrigeant quelques années plus tard, alors qu'il était étudiant à l'université d'Orléans.

Le chapitre xxviii du livre premier des Essais précise : « C'est un discours auquel il donna le nom de La Servitude volontaire, mais ceux qui l'ont ignoré l'ont bien proprement depuis rebaptisé Le Contre'un. Il l'écrivit par manière d'essai en sa première jeunesse, à l'honneur de la liberté contre les tyrans. » Le libelle, communiqué à Montaigne, favorisa entre les deux hommes une amitié jamais démentie.

La politique des bûchers, qui régnait alors, dissuada l'auteur des Essais de livrer le texte à la publication. Néanmoins, des versions manuscrites circulaient, qu'attestent des pamphlets tels que Le Réveille-matin des Français et de leurs voisins, publié en 1574, deux ans après la Saint-Barthélemy et signé du pseudonyme d'Eusèbe Philadelphe Cosmopolite, la Franco-Gallia de Hotman, parue à Cologne en 1573, les Vindiciae contra Tyrannos (1579), propagées sous le pseudonyme de Junius Brutus, Les Mémoires de l'Estat de France sous Charles Neufiesme, du protestant Simon Goulart.

Il est possible que la cruelle répression de la révolte contre la gabelle qui, en 1548, souleva les populations laborieuses du sud-ouest de la France, ait inspiré à La Boétie une indignation d'où naquit le projet d'en finir avec l'odieuse dictature exercée par quelques-uns à l'encontre du plus grand nombre. Affectant, par profession, d'être attaché au catholicisme et aux décrets royaux, il a jugé prudent de terminer sur une note de pieuse dévotion un libelle où la religion est pourtant ainsi évoquée : « Le peuple a toujours ainsi fabriqué lui-même des mensonges pour y ajouter ensuite une foi stupide. »

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Pour citer cet article

Raoul VANEIGEM. DISCOURS DE LA SERVITUDE VOLONTAIRE, Étienne de La Boétie - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MONTAIGNE MICHEL EYQUEM DE (1533-1592)

    • Écrit par Fausta GARAVINI
    • 8 167 mots
    • 1 média
    ...fait défaut : ils sont en quelque sorte le moyen, pour Montaigne, de continuer son dialogue avec le disparu, à qui l'ouvrage est implicitement dédié. Le premier livre, en effet, est tout entier construit autour du texte quiavait procuré à Montaigne la « première connaissance » de celui qui allait devenir...
  • ÉTAT (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 054 mots
    ...Aucun penseur n’a mieux décrit l’état paradoxal de cette obéissance qu’Étienne de La Boétie (1530-1563), dans l’unique ouvrage qu’il nous a laissé, De la servitude volontaire. « Si deux, si trois, si quatre cèdent à un seul ; c’est étrange, mais toutefois possible [...] Mais si cent, si mille se laissent...
  • LA BOÉTIE ÉTIENNE DE (1530-1563)

    • Écrit par Jean-Yves POUILLOUX
    • 748 mots

    Fils d'un lieutenant du sénéchal du Périgord, d'une famille de magistrats, Étienne de La Boétie appartient à cette bourgeoisie cultivée sur laquelle la monarchie s'est appuyée dans ses efforts pour affermir son pouvoir contre les restes de la féodalité. Après des humanités classiques, il étudie le...

  • NON-VIOLENCE

    • Écrit par Jacques SEMELIN
    • 5 888 mots
    • 7 médias
    ...irréductibles d'une situation de domination sont, d'une part, la coercition des oppresseurs et, d'autre part, la coopération plus ou moins forcée des opprimés. Le propos rappelle Le Discours de la servitude volontaire d'Étienne de La Boétie qui notait en son temps : « Je désirerais seulement qu'on me fît...
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Voir aussi