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DÉCOLONISATION

La décolonisation des Indes néerlandaises

Sukarno, 1945 - crédits : Express Newspapers/ Hulton Archive/ Getty Images

Sukarno, 1945

Depuis le xviie siècle, les Néerlandais dominaient et exploitaient en Asie du Sud-Est un archipel de quelque treize mille îles. Dans cet empire de 2 millions de kilomètres carrés, peuplé de 61 millions d'habitants, leur pouvoir s'exerçait sous des formes diverses : protectorats de petits États princiers et de chefs traditionnels ou souveraineté directe (à Java). Pourtant, dès la fin du xixe siècle, l'idée d'une nation indonésienne était née grâce à la diffusion d'une langue véhiculaire (le malais commercial) et à la puissance de l'islam, religion commune à 90 p. 100 des habitants. Or les docteurs de la loi musulmane dénonçaient les infidèles étrangers et les missions chrétiennes. Pour lutter contre eux, les Néerlandais avaient créé une aristocratie de fonctionnaires indonésiens et un système de représentation indirecte décentralisant l'autorité. Ils en usèrent bientôt contre le premier mouvement nationaliste, le Sarekat Islam, tombé entre les mains des communistes et devenu le Sarekat Rakjat (Association du peuple). Ce parti fut brisé, mais le mouvement nationaliste se développa sous la présidence d'un jeune ingénieur javanais, Sukarno, et de son parti. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, une fédération des huit principales associations nationalistes tenta, vainement, d'obtenir des Néerlandais le droit à l'autonomie et l'unité nationale reposant sur un régime démocratique libéral et social.

La défaite des Pays-Bas en Europe, les premières victoires japonaises et la capitulation des forces alliées à Java en mars 1942 ruinèrent définitivement le prestige des Néerlandais auprès de leurs sujets. Le rôle des nationalistes indonésiens s'en trouva d'autant plus valorisé que les Japonais leur permirent même de lever des armées et de constituer des organisations politiques collaborant avec eux. Toutefois, les Japonais retardèrent l'indépendance qu'il avaient promise, et les Indonésiens prirent les devants en proclamant celle-ci le 17 août 1945.

Les Néerlandais tentèrent presque aussitôt de reprendre par les armes le contrôle de leur empire. Mais, sous la pression des Britanniques, ils durent signer, en novembre 1946, l'accord de Linggadjati (Cheribon) par lequel ils reconnaissaient la république d'Indonésie et acceptaient la négociation d'une Union hollando-indonésienne qui aurait dû aboutir le 1er janvier 1949. Toutefois, le gouvernement néerlandais entendait façonner à son initiative la nouvelle République indonésienne, en suscitant des mouvements autonomistes et en la divisant en régions. Devant les résistances du gouvernement indonésien, il décida en juillet 1947 une « opération de police » qui remporta d'abord quelques succès. Cependant, devant les protestations internationales, le Conseil de sécurité de l'O.N.U. mit sur pied un Comité des bons offices qui, sous la pression américaine, imposa aux Indonésiens, le 17 janvier 1948, un nouvel accord, le Renville Agreement.

Forces néerlandaises en Indonésie, 1949 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Forces néerlandaises en Indonésie, 1949

Ce ne fut en vérité qu'une trêve que les Néerlandais mirent à profit pour constituer six États séparés et neuf zones autonomes qui reconnaîtraient un gouvernement fédéral intérimaire. Ayant divisé pour régner, ils exigèrent par ultimatum le droit d'envoyer leurs troupes sur l'ensemble du territoire fédéral. Devant le refus du gouvernement indonésien, ils déclenchèrent, le 18 décembre 1948, la seconde « opération de police ». Le Conseil de sécurité puis l'Assemblée générale de l'O.N.U. condamnèrent cette violation des accords. Les États-Unis, hésitants, craignirent que les communistes indonésiens ne profitassent de la situation. Ils menacèrent finalement les Pays-Bas de suspendre leur aide financière. Les Néerlandais, qui n'acceptaient pas de reconnaître un gouvernement de révolutionnaires musulmans, durent s'incliner.[...]

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Pour citer cet article

Charles-Robert AGERON. DÉCOLONISATION [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Cérémonie d'ouverture du Parlement égyptien, 1926 - crédits : Bettmann/ Getty Images

Cérémonie d'ouverture du Parlement égyptien, 1926

La résistance des colonisés - crédits : Encyclopædia Universalis France

La résistance des colonisés

1945 à 1962. La décolonisation - crédits : Encyclopædia Universalis France

1945 à 1962. La décolonisation

Autres références

  • AFRIQUE (Histoire) - Les décolonisations

    • Écrit par Marc MICHEL
    • 12 424 mots
    • 24 médias

    Alors que s'achève la décolonisation en Asie à la fin des années 1940, le mouvement se déplace en Afrique, tout spécialement au Maghreb, en pleine ébullition. Il existe pourtant déjà un pays d'Afrique du Nord qui a obtenu son indépendance : la Libye. C'est un précédent et un exemple....

  • DÉCOLONISATION ET NON-ALIGNEMENT - (repères chronologiques)

    • Écrit par Olivier COMPAGNON
    • 260 mots

    1947-1948 L'Inde, le Pakistan, Ceylan et la Birmanie obtiennent de la Grande-Bretagne leur indépendance.

    1949 Lors de la conférence de New Delhi (janvier), Nehru esquisse un regroupement afro-asiatique. Les Pays-Bas accordent l'indépendance à l'Indonésie de Sukarno (décembre)....

  • ABDALLAH ABDERAMANE AHMED (1919-1989)

    • Écrit par Marie-Françoise ROMBI
    • 977 mots

    Premier chef d'État des Comores, Ahmed Abdallah est né le 12 juin 1919 sur la côte est de l'île d'Anjouan, dans l'aristocratie de Domoni, selon sa biographie officielle. Mais divers portraits du chef du Parti vert (de la couleur des bulletins de vote) le décrivent plutôt comme un paysan madré...

  • ABDELAZIZ MOHAMED (1947 ou 1948-2016)

    • Écrit par Khadija MOHSEN-FINAN
    • 771 mots

    Président de la République arabe sahraouie démocratique pendant quarante ans, jusqu’à sa mort en mai 2016, Mohamed Abdelaziz, dirigeant du Front Polisario, avait succédé en 1976 au chef du mouvement indépendantiste El Ouali Moustapha Sayed.

    Alors qu’ils sont tous deux étudiants à Rabat, au...

  • ACCULTURATION

    • Écrit par Roger BASTIDE
    • 8 306 mots
    • 1 média
    ...plus les erreurs du passé. La sociologie française ne s'intéressera au problème qu'après la Seconde Guerre mondiale, en relation avec la politique de décolonisation, dont elle n'est que le pressentiment ou le premier reflet. L'acculturation planifiée apparaît avec la formation d'États indépendants en...
  • AFRIQUE-OCCIDENTALE FRANÇAISE (AOF)

    • Écrit par Alfred FIERRO
    • 815 mots
    • 2 médias

    Créée par un décret du 16 juin 1895, sous la direction d'un gouverneur général, l'Afrique-Occidentale française (A.-O.F.) répond à la nécessité de coordonner sous une autorité unique la pénétration française à l'intérieur du continent africain. L'A.-O.F. est, à l'origine, constituée des...

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