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WARNER DEBORAH (1959- )

Deborah Warner est née en 1959 à Oxfordshire, dans une famille de quakers. C'est à la Central School of Speech and Drama de Londres qu'elle effectue sa formation théâtrale, avant de fonder à l'âge de vingt et un ans sa propre compagnie, le Kick Theatre, sans lieu fixe ni subvention conséquente. Assez vite pourtant, la Royal Shakespeare Company lui offre un statut institutionnel et les moyens nécessaires à ses ambitions. La reconnaissance internationale, notamment en France, est au rendez-vous, et se trouve confortée par une fonction de metteur en scène associée à la direction artistique du Royal National Theatre de Londres.

Le répertoire exploré par Deborah Warner est presque exclusivement celui des grandes œuvres du répertoire. Si, dans les premiers temps, elle se tourne vers la dramaturgie brechtienne (La Bonne Âme de Se-Tchouan, 1980), c'est son approche de la tragédie shakespearienne qui lui vaut d'être distinguée au sein de la nouvelle génération de metteurs en scène britanniques. Son King Lear (1985),interprété par Brian Cox et la troupe du Royal National Theatre, outre la précision de sa direction d'acteurs, manifeste un art très sûr de la scène, où le détail signifiant et symbolique (une chaise d'infirme en guise de trône pour le roi, une stylisation discrète des costumes) est préféré à la lourdeur d'un dispositif figuratif et illusionniste. Mais la véritable consécration vient en 1987 à la Royal Shakespeare Company avec un Titus Andronicusqui restitue la violence et la bestialité inouïes du texte, davantage par un travail sur la langue et l'interprétation qu'au prix d'une débauche d'effets spectaculaires. Son traitement du drame shakespearien, qui dans son dénuement et sa vivacité rappelle l'esthétique de Peter Brook, procède d'une volonté de remonter aux éléments originels de la représentation, en laissant de côté la lecture romantique héritée du xixe siècle, qui les a dénaturés.

Pour Richard II (1995), Deborah Warner instaure une ressemblance physique frappante entre le roi et son cousin Bolingbroke. La figure centrale est ainsi dédoublée, réunissant les contraires, tant politiques (l'ordre et le changement) qu'existentiels. Cette dialectique se manifeste en premier lieu dans le choix de confier le rôle-titre à une femme, la tragédienne irlandaise Fiona Shaw, interprète de prédilection de Deborah Warner.

Leur collaboration date de 1985, et reste marquée par la réalisation d'Électre de Sophocle (1988). Là encore, Deborah Warner creuse les données de la tragédie antique, les transposant à l'aide de procédés contemporains. Ainsi le chœur de Sophocle est-il incarné par un groupe de femmes, chez qui un voile noir a remplacé le masque traditionnel. De même est exploitée la hiérarchisation spatiale de la scène, à la manière des élisabéthains, le proscenium ou avant-scène accueillant les injonctions aux dieux et les monologues intérieurs, tandis que le chœur et les dialogues prennent place sur un plan plus reculé. Il arrive aussi à Deborah Warner, dans le cadre de son travail avec Fiona Shaw, de délaisser la matière dramatique : ainsi dans son adaptation de The WasteLand (1995), poème de T. S. Eliot.

Elle reste fidèle à ses principes lorsqu'elle aborde l'opéra. Sa mise en scène du Tour d'écrou de Benjamin Britten, d'après Heny James (1997), ne compte que six chanteurs et onze musiciens. Refusant le décorativisme, son travail se signale par la stabilité de sa direction dramatique.

Depuis 1989, les théâtres français ont accueilli ses principales mises en scène (Titus Andronicusen 1989 aux Bouffes du Nord ; King Lear en 1990 au Théâtre de l'Europe ; Richard II en 1996 à la MC93 de Bobigny ; Maison de poupée au Théâtre de l’Odéon en 1997 ; Le Tour d'écrou en 1998 à la MC93 de Bobigny[...]

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Écrit par

  • : écrivain, metteur en scène, maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

David LESCOT. WARNER DEBORAH (1959- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • EDWARD II et RICHARD II (C. Marlowe et W. Shakespeare)

    • Écrit par Raymonde TEMKINE
    • 1 662 mots

    Deux drames historiques joués en 1996 nous ont fait revivre un grand pan de l'histoire de l'Angleterre au Moyen Âge, deux époques de guerres étrangères (menées contre l'Écosse, l'Irlande, la France) et, surtout, civiles : les féodaux s'y affrontent à des rois faibles et méprisés pour leur prodigalité...

Voir aussi