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EDWARD II et RICHARD II (C. Marlowe et W. Shakespeare)

Deux drames historiques joués en 1996 nous ont fait revivre un grand pan de l'histoire de l'Angleterre au Moyen Âge, deux époques de guerres étrangères (menées contre l'Écosse, l'Irlande, la France) et, surtout, civiles : les féodaux s'y affrontent à des rois faibles et méprisés pour leur prodigalité et leur conduite licencieuse. Les auteurs, Marlowe (1564-1593) et Shakespeare (1558-1623), sont contemporains ; leurs pièces, très proches formellement, ont été créées presque en même temps, en 1591 ou 1592 Edward II (publication posthume en 1594) et en 1595 Richard II, qui fut dès sa création et à maintes reprises interdit de représentation – les souverains ne supportent pas qu'on leur raconte « la triste histoire de la mort des rois ».

Edward II (1284-1327) règne en Angleterre, et en France Philippe le Bel, dont il a épousé la fille, Isabelle. Il éprouve une violente passion pour Gaveston, un Gascon « vil et obscur », ce que ne supportent pas des lords infatués de leur rang qui, plus que les mœurs de leur souverain, ne peuvent admettre la faveur dont jouit un arrogant parvenu. Edward Ier avait exilé Gaveston. Mais « mon père est mort. Viens, Gaveston, partager la royauté avec ton ami très cher », écrit le nouveau roi. Voici donc le mignon de retour de France, accueilli par Edward avec de provocantes démonstrations d'amour. Au grand scandale des lords, il lui confère des titres à profusion : lord-chambellan, duc de Cornouailles, maître et seigneur de Man. C'en est trop, d'autant que Gaveston se venge sans tarder de l'évêque à qui il a dû son exil. Les lords se soulèvent : Warwick, Lancastre... le plus acharné est Mortimer, qui deviendra l'amant de la reine. Celle-ci a longtemps protesté de son amour pour un époux qui la délaisse et l'outrage, mais finit par se joindre à ses ennemis. La pièce ne contient d'imprévu que les péripéties d'une guerre civile. Vaincu, le roi est contraint de se séparer de Gaveston, à nouveau rappelé aussitôt qu'Edward reprend l'avantage. Vainqueur des lords qui ont poignardé Gaveston, il fait tomber les têtes ; Mortimer, épargné, est envoyé à la Tour de Londres, d'où il s'évade. Il rejoint en Flandre la reine et son jeune fils. Ils débarquent en Angleterre avec une armée, font prisonnier le roi, le déposent et couronnent le jeune Edward. Sur l'ordre de Mortimer, lord-protecteur, Edward II est assassiné, empalé avec un fer rougi au feu. Edward III venge son père en mettant Mortimer à mort et en emprisonnant sa mère.

L'auteur du drame s'est inspiré librement des Chroniques de Holinshed, qui, année par année, relatent les événements du règne d'Edward II. La trame en est l'opposition acharnée des lords aux favoris honnis. Mais Marlowe innove surtout en faisant de Roger Mortimer, à peine mentionné dans les Chroniques, l'ennemi irréductible du roi, minimisant ainsi la vindicte de la reine. Le sous-titre de la pièce met en évidence le passage de la geste historique (l'état du royaume) à la tragédie (deux destins) : Le Règne troublé et la mort pitoyable d'Edward II roi d'Angleterre et la chute tragique de l'orgueilleux Mortimer.

Alain Françon reste fidèle à Marlowe traduit par Jean-Michel Déprats. Sauf, en 1981, la très belle mise en scène de Bernard Sobel, avec Philippe Clévenot dans le rôle-titre, Edward II ne fut joué en France que dans des adaptations libres : par Brecht, représenté en espagnol par Lluis Pasqual (1984), ou par Adamov, mis en scène par Roger Planchon (1954 et 1960). Le spectacle de Françon dure trois heures, et il eût été bon de condenser des affrontements répétitifs. De l'accueil réservé qui lui a été fait dans la cour d'honneur du palais des Papes d'Avignon, où il a été créé, Marlowe lui-même est un peu responsable, car l'impression[...]

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses, critique dramatique de Regards et des revues Europe, Théâtre/Public, auteur d'essais sur le théâtre

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Pour citer cet article

Raymonde TEMKINE. EDWARD II et RICHARD II (C. Marlowe et W. Shakespeare) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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