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DEFOE DANIEL (1660-1731)

Romancier

<it>Robinson Crusoé</it> - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Robinson Crusoé

Robinson Crusoéest publié en 1719. C'est un récit imaginaire inspiré par l'aventure du marin écossais Alexandre Selkirk. Le succès est immédiat et considérable : Defoe lui donnera une suite et consacrera désormais à la littérature romanesque la plus grande partie de son activité. Capitaine Singleton paraît en 1720, Moll Flanders, le Journal de l'année de la peste (A Journal of the Plague Year) et Colonel Jack paraissent en 1722, Roxana en 1724.

En quoi consiste l'originalité du romancier ? Quels sont ses apports esthétiques, historiques, philosophiques ?

En premier lieu, Defoe est un illusionniste suprêmement adroit. Venu au roman avec une longue expérience d'observateur et de journaliste, il excelle dans l'art de créer l'impression de la réalité, du détail observé ou vécu. Cet art du trompe-l'œil trouve à la même époque son équivalent en peinture. Mais s'il n'est peut-être pas le créateur du roman anglais, Defoe est, à coup sûr, le plus éminent vulgarisateur du réalisme imaginaire. À ce titre, son influence sur toutes les formes plus ou moins romancées du récit historique moderne est véritablement immense. Ainsi du Journal de l'année de la peste : Defoe n'avait que cinq ans lors de la grande peste de Londres et il va de soi qu'il n'avait pu directement observer la plupart des scènes qu'il décrit dans cette œuvre. Son récit porte pourtant la marque du témoignage oculaire grâce à l'intervention de détails faussement réalistes. L'auteur décrit-il un enterrement ? « Il m'était difficile de suivre la scène dans tous ses détails, car j'étais aux derniers rangs de l'assistance et, devant moi, un homme de haute taille me bouchait partiellement la vue. » Ce genre de trouvaille abonde dans les romans : Crusoé vient de découvrir sur le sable de son île une mystérieuse empreinte de pas : le romancier en profite pour faire un véritable inventaire phénoménologique de la peur.

Le réalisme de Defoe est psychologique : c'est cela qui confère aux personnages leur relief si caractéristique. Mais, ici encore, intervient l'illusion : la faculté d'introspection des personnages – dans des récits à la première personne, comme Crusoé ou Moll Flanders – trahit la voix du romancier et elle est peu vraisemblable si l'on se donne la peine de la rapprocher de la psychologie relativement naïve qui est le commun dénominateur de ces personnages. Pourquoi les a-t-on si souvent décrits comme des héros « bourgeois » ou, tout au moins, caractéristiques de la nouvelle classe moyenne anglaise ? C'est, en premier lieu, qu'ils en font partie et que, par conséquent, le lecteur n'éprouve guère de difficulté pour s'identifier à eux. Ils en font apparaître les contradictions idéologiques. Leur échelle de valeurs exprime et traduit l'évolution accomplie par la société anglaise au cours du xviie siècle. Sans que l'au-delà perde ses droits sur les consciences, les biens de ce monde et l'argent en particulier sont reconnus comme l'objectif légitime de l'effort individuel. Le travail cesse d'être le prix du péché originel : le voici maintenant valorisé tant moralement qu'économiquement. Productivité, progrès matériel et technologique deviennent, avec leurs corollaires théoriques, les impératifs implicites de l'ordre nouveau auquel participent les personnages de Defoe. De tous les récits du romancier, le plus représentatif, sinon le plus parfait, est évidemment Robinson Crusoé. L'épisode central constitue en vérité une épopée, celle de l'homme blanc, dont elle exalte les valeurs économiques, morales et religieuses. La grande entreprise coloniale des xviiie et xixe siècles y trouve ses justifications. Mais l'au-delà demeure présent et, comme celle des autres[...]

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Pour citer cet article

Pierre NORDON. DEFOE DANIEL (1660-1731) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Robinson Crusoé</it> - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Robinson Crusoé

Autres références

  • PICARESQUE ROMAN

    • Écrit par Maurice MOLHO
    • 2 125 mots
    Le picarisme, éteint ailleurs, renaît toutefois en Angleterre avec Moll Flanders de Daniel De Foe (1722). Infâme par sa naissance (elle voit le jour en prison), vouée à la pauvreté et au péché, Moll, aux prises avec son âme, comme Guzman, finit par entrevoir, touchée par la grâce, le salut qui la délivrera....
  • ROBINSON CRUSOÉ, Daniel Defoe - Fiche de lecture

    • Écrit par Jean-François PÉPIN
    • 1 111 mots
    • 1 média

    C'est en 1719 que paraît l'un des romans les plus fameux de la littérature mondiale, Robinson Crusoé , sous le titre original de The Life and Strange Surprizing Adventures of Robinson Crusoé, dû à la plume de l'écrivain anglais Daniel Defoe (1660-1731). L'aventure est tirée...

Voir aussi