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BREILLAT CATHERINE (1948- )

« Violemment puritaine »

Ce cinéma du regard, du corps et de la parole fait merveille dans « Aux Niçois qui mal y pensent », le sketch du film collectif À propos de Nice, la suite (1995), et plus encore dans Parfait Amour! (1996). Nul romantisme encore dans cette histoire d’une liaison entre une femme mûre et un homme plus jeune et immature, qui s’achève entre tragique et grotesque, maintenant le spectateur dans le malaise et l’indécision face à la décomposition d’un amour idéalisé, dont le bovarysme se dégrade jusqu’au trivial.

Romance (1998), son premier vrai succès commercial avec Parfait Amour!, va encore plus loin. Amie d’un jeune mannequin qui refuse de se laisser toucher, l’héroïne entre volontairement dans une spirale de transgressions sexuelles. Catherine Breillat renverse une célèbre phrase de Pascal : « Qui veut faire l’ange fait la bête » devient « Qui veut faire l’ange doit passer par la bête ». Ses héroïnes doivent passer par l’organique pour accéder à une sorte de pureté. Dans Anatomie de lenfer (2004), le personnage féminin (Amira Casar) paie pour qu’un homosexuel (interprété par Rocco Siffredi, une vedette du porno hard) la regarde « par là où une femme n’est pas regardable ». Alors que ses nombreux détracteurs ou contempteurs ne voient ou ne veulent voir dans la démarche de la cinéaste que provocation et exhibitionnisme par actrice interposée, chaque héroïne de Breillat lance un défi au mépris des hommes (mais aussi des femmes) à l’égard de tout ce qui accompagne, dans les esprits et la culture, la réalité physique de la jouissance féminine : narcissisme, exhibitionnisme, obscénité, pornographie...

Provocation et exhibitionnisme ? Ce qui rend l’œuvre de Breillat différente d’un cinéma qui remplirait ce programme simpliste, c’est le caractère très personnel, impliqué et impliquant les protagonistes, qui fait de chaque film une expérience unique et authentique, comme on le voit encore avec le film franco-italien À ma sœur ! (A miasorella!, 2001). Catherine Breillat se déclare « violemment puritaine » et confie à la critique Claire Clouzot : « j’ai envie de filmer des choses qui me font peur à moi-même, et qu’en même temps je trouve extrêmement délicieuses. Si on n’est pas puritain, il n’y a pas d’excitation. Il faut que je sois puritaine pour faire ces films-là ! » Dans le réalisme très intime de Catherine Breillat, le cinéma lui-même est capital : même ses romans ne semblent exister que pour être filmés, comme les « Contes moraux » d’Éric Rohmer.

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

Classification

Pour citer cet article

Joël MAGNY. BREILLAT CATHERINE (1948- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Catherine Breillat - crédits : Louis Monier/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Catherine Breillat

Autres références

  • ÉROTISME

    • Écrit par Frédérique DEVAUX, René MILHAU, Jean-Jacques PAUVERT, Mario PRAZ, Jean SÉMOLUÉ
    • 19 774 mots
    • 7 médias
    CatherineBreillat, elle, choisit de filmer cet objet mal connu – le sexe – pour dépasser le tabou. Dans Pornocratie (2001) et Anatomie de l'enfer (2003), il se transmue, sans flagornerie ni fausse pudeur, en images de cinéma. L'auteur transgresse également les cloisonnements « professionnels...

Voir aussi