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CAPRICCIO, genre pictural

<it>Capriccio</it>, G. P. Pannini - crédits : Ashmolean Museum/ Heritage Images/ Getty Images

Capriccio, G. P. Pannini

Dans la littérature artistique italienne, et tout d'abord chez Vasari, capriccio est synonyme d'invention originale ou bizarre. À propos de Filippino Lippi, Vasari parle en effet des strani capricci che egli espresse nella pittura, c'est-à-dire des idées fantasques, étranges, que le peintre transposait dans ses tableaux. De même l'historien toscan évoque les capricciose invenzioni de Piero di Cosimo pour les chars de carnaval ou les cortèges funèbres, et celles du graveur flamand Jérôme Cock, notamment dans La Fraude et l'Avarice, dont il vante le bel capriccio. On voit donc que le terme désigne d'abord une certaine forme d'inspiration. Borghini (Il Riposo, 1584) distingue l'invention empruntée à autrui et celle que l'artiste trouve en lui, a suo capriccio. Au xviie siècle, Baldinucci (Vocabolario dell'arte del disegno, Florence, 1681) définit le capriccio comme l'œuvre née dans l'imagination du peintre, d'une idée subite (improvvisa). Le caprice est bien désormais l'œuvre même, non l'idée qui l'a suscitée. Entre-temps, Jacques Callot a publié, et dédié au grand-duc de Toscane, ses Capricci di varie figure, une série de gravures où se mêlent les paysages, les scènes champêtres, les rixes et les duels, les figures isolées aux accoutrements parfois étranges, parfois tout à fait réalistes. On trouve, dès lors, dans les inventaires de tableaux ou dans les descriptions de collections, la mention de capricci ou de quadretti di capriccio pour des peintures attribuées notamment à Savoldo (capriccio di mezze figure finte di notte) et Bamboccio (Ridolfi, Le Maraviglie dell'arte, Venise, 1648).

Le mot est bien fixé lorsque paraissent, en 1749, les dix planches des Vari Capricci de Giambattista Tiepolo (avec ruines, arbres déchiquetés, spectres et mages) qui inspirent sans doute à Piranèse le titre de ses Invenzioni capricci di carceri (1750).

<it>Le sommeil de la raison engendre les monstres</it> - crédits : Index/  Bridgeman Images

Le sommeil de la raison engendre les monstres

Puis, toujours à Venise, le terme prend peu à peu un sens particulier chez les peintres de vedute : le capriccio est une vue imaginaire, groupant des constructions de fantaisie et des édifices réels ou rapprochant sur une même toile des monuments existant en des lieux différents. Zuccarelli, Visentini, Canaletto sont les créateurs de ce genre particulier du paysage dont Guardi allait être le plus brillant représentant. De Venise, par Tiepolo peut-être, le mot passe en Espagne pour y trouver sa consécration définitive avec les caprichos de Goya (italianisme équivalant à disparates, que le peintre utilisera également). Le caprice demeure le fruit de l'imagination, mais ici d'une imagination tourmentée, exaspérée par les mœurs et l'hypocrisie du temps : le caprice n'est plus une rêverie fantasque, mais une satire âpre et désespérée.

— Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE

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Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE. CAPRICCIO, genre pictural [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Le sommeil de la raison engendre les monstres</it> - crédits : Index/  Bridgeman Images

Le sommeil de la raison engendre les monstres

<it>Capriccio</it>, G. P. Pannini - crédits : Ashmolean Museum/ Heritage Images/ Getty Images

Capriccio, G. P. Pannini

Autres références

  • GUARDI LES

    • Écrit par Terisio PIGNATTI
    • 2 552 mots
    • 3 médias
    ...adhésion aux formes d'expression de Marieschi coïncide probablement, chez Francesco Guardi, avec l'intérêt qu'il porta à Marco Ricci dont il copie le grand Capriccio architectural de Vicence, dans une toile plus petite mais très suggestive qui se trouve à la National Gallery de Washington. Il s'agit bien d'une...
  • PIRANÈSE (1720-1778)

    • Écrit par Sylvia PRESSOUYRE
    • 2 193 mots
    • 1 média
    ...Campo Marzo. Les Prisons constituent l'aboutissement le plus neuf de cette méditation « visionnaire » sur le passé. Cependant, dès 1744, les Capricci, d'un « métier blond », sensible et brillant, trahissaient un sentiment nouveau des ruines pittoresques, inspiré sans doute des Inventions...
  • RICCI MARCO (1676-1729)

    • Écrit par Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE
    • 249 mots

    Parallèlement aux « védutistes » du xviiie siècle, Marco Ricci, neveu de Sebastiano, donne son autonomie au paysage vénitien. Il trouve une source d'inspiration à Venise, dans l'œuvre de Titien et dans les gravures de Campagnola, mais surtout hors de Venise, chez Micco Spadaro,...

  • ROBERT HUBERT (1733-1808)

    • Écrit par Georges BRUNEL
    • 459 mots
    • 3 médias

    Artiste qui est à coup sûr l'un des principaux protagonistes du renouveau général de la peinture de paysage qui marque en France la seconde moitié du xviiie siècle. Hubert Robert se forma au cours d'un long séjour en Italie (1754-1765). L'intérêt pour la peinture de Claude Lorrain, qui...