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DUSEIGNEUR JEAN-BERNARD dit JEHAN (1808-1866)

<it>Roland furieux</it>, J.-B. Duseigneur - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Roland furieux, J.-B. Duseigneur

Sculpteur français. Son nom est étroitement lié à l'histoire du romantisme en France, car il fut une des figures les plus pittoresques de l'avant-garde artistique de 1830. Mais cette effervescence fut de courte durée, et l'œuvre de Duseigneur n'est qu'un impur reflet de l'idéal romantique. Formé à l'École des beaux-arts, auprès de maîtres d'un classicisme assez éclectique (Bosio, Dupaty, Cortot), il ne parvient jamais à se dégager de cette origine académique. Pour quelques années cependant, de 1830 à 1835 environ, il cherche à faire passer dans sa sculpture quelque chose du programme défini par les écrivains et les peintres romantiques de l'époque Charles X : abandon du répertoire classique pour des sources littéraires modernes, exaltation du laid et de l'expressif. Cette pétulance baroque semblait avoir disparu en France depuis Puget (à l'exception des sculptures de Géricault, restées à peu près inconnues) et sa tumultueuse résurgence, dans le Roland furieuxde Duseigneur (Louvre) exposé au Salon de 1831, put donner un instant illusion d'une renaissance de la sculpture française. Le héros fou d'amour, faisant saillir « les grands os de sa forte poitrine » (Théophile Gautier) et tordant ses membres enchaînés, pouvait aussi passer pour l'image même de l'artiste romantique, luttant pour arracher à la résistance de la matière l'expression forcenée de son génie et de sa passion. Cette ronde-bosse convulsive contenait l'écho lointain de la terribilità michelangelesque : celle que Stendhal appelait de ses vœux dès 1817, quand il écrivait que la « soif de l'énergie nous ramènera aux chefs-d'œuvre de Michel-Ange ». Mais Duseigneur ressemble moins à Michel-Ange qu'à ses imitateurs maniéristes, et le Roland furieux, avec sa tête d'expression qui sent le modèle d'atelier, son complaisant étalage de musculatures, le réalisme trop prononcé des accessoires, n'est guère mieux qu'un compromis entre le romantisme et la convention. On peut même dire, quoique Duseigneur occupe une place plus voyante dans la légende romantique, que son lyrisme est bien moins original et d'une expression bien plus imparfaite que celui de Préault, de Maindron, et surtout de Rude, de Barye.

De fait, après le Roland furieux et le groupe Une larme pour une goutte d'eau, inspiré par une des scènes les plus pathétiques de Notre-Dame de Paris (Salon de 1833), Duseigneur ne tarda pas à s'assagir et à produire des sculptures moins ambitieuses et moins intenses, puis franchement académiques, en particulier des commandes religieuses (Conversion de saint Augustin, église Notre-Dame-des-Victoires, Paris ; Sainte Agnès, église de la Madeleine, Paris ; La Crucifixion, église Saint-Roch, Paris).

Cet œuvre, généralement médiocre, est parfois cité comme exemple de l'échec du romantisme en sculpture. En l'occurrence, cet échec est surtout imputable à l'indécision de tempérament de Duseigneur et à l'insuffisance de ses dons : à la même époque, la même esthétique produisait des chefs-d'œuvre, comme La Tuerie de Préault et La Marseillaise de Rude, en attendant Rodin.

— Pierre GEORGEL

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Pour citer cet article

Pierre GEORGEL. DUSEIGNEUR JEAN-BERNARD dit JEHAN (1808-1866) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Roland furieux</it>, J.-B. Duseigneur - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Roland furieux, J.-B. Duseigneur

Autres références

  • ROMANTISME

    • Écrit par Henri PEYRE, Henri ZERNER
    • 22 170 mots
    • 24 médias
    ...sculptures. L'époque romantique produisit cependant des œuvres retentissantes dans ce domaine, telles que le Roland furieux(Salon de 1831, Louvre) de Jehan Duseigneur (1808-1866). Mais les vraies réussites, comme les chefs-d'œuvre de Rude et de Barye, ou Une tuerie (musée de Chartres) d'Auguste Préault...
  • CÉNACLES ROMANTIQUES

    • Écrit par France CANH-GRUYER
    • 2 432 mots
    • 1 média
    ...collaborateur d'Alexandre Dumas) ; Philotée O'Neddy (Théophile Dondey), l'auteur de Feu et Flamme ; Célestin Nanteuil, l'imagier du romantisme ; le sculpteur Jehan du Seigneur (Jean Duseigneur), qui modèle des médaillons de plâtre à l'effigie de ses camarades, le plus bel ornement de son atelier...

Voir aussi