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7-21 octobre 1997

France. Début du procès de Maurice Papon pour crimes contre l'humanité

Le 7, le Syndicat national des policiers en tenue diffuse un communiqué dans lequel il demande « pardon » pour la « collaboration active d'une partie non négligeable de la police nationale dans la déportation des juifs de France » pendant l'Occupation. Le même jour, lors d'une cérémonie au mémorial du Martyr juif inconnu, à Paris, son secrétaire général, André Lenfant, exprime les « regrets éternels des policiers français ». Ce geste intervient une semaine après la « déclaration de repentance » de l'Église de France sur l'attitude de la hiérarchie catholique à cette époque.

Le 8 s'ouvre devant la cour d'assises de la Gironde, à Bordeaux, le procès de Maurice Papon, secrétaire général de la préfecture de la Gironde sous le régime de Vichy, qui est accusé de crimes contre l'humanité pour avoir contribué à la déportation de plus de mille cinq cents juifs. Maurice Papon, qui a suivi une carrière politique sous la Ve République, est le second Français jugé pour crimes contre l'humanité après le milicien Paul Touvier, condamné le 20 avril 1994. Des révélations parues dans Le Canard enchaîné en mai 1981 avaient abouti au dépôt de premières plaintes, en décembre de la même année, tandis qu'un jury d'honneur disculpait en grande partie Maurice Papon, lui donnant acte des faits de résistance qu'il revendiquait. Après l'annulation par la Cour de cassation d'une première procédure, en février 1987, pour vice de forme, Maurice Papon était à nouveau inculpé de crimes contre l'humanité en juillet 1988, puis en juin 1992. En septembre 1996, l'accusé était renvoyé devant la cour d'assises. L'acte d'accusation indiquait que Maurice Papon « allait au-devant des exigences allemandes » et qu'il savait que la « déportation vers l'Est [...] conduisait inéluctablement à la mort ».

Le 10, la cour d'assises de la Gironde ordonne la remise en liberté de Maurice Papon en raison de son âge et de son état de santé. Cette décision soulève l'indignation des parties civiles : l'accusé ne pouvant plus être incarcéré lors du jugement, il est en effet assuré de pouvoir attendre en liberté le long examen de son éventuel pourvoi devant la Cour de cassation.

Le 16, l'examen de la carrière de Maurice Papon est l'occasion de rappeler les manifestations parisiennes d'octobre 1961 et de février 1962, alors que l'accusé était préfet de police, au cours desquelles de nombreux Algériens trouvèrent la mort. Appelé à témoigner, l'ancien Premier ministre Pierre Messmer, ministre des Armées à l'époque, déclare assumer ces événements. Il dénonce implicitement, par ailleurs, les déclarations prononcées par le président Chirac en juillet 1995 « qui imputent à la France et donc à tous les Français les crimes de Vichy ».

Le 17, Olivier Guichard, autre « baron » du gaullisme, indique à la barre des témoins que « tous les Premiers ministres du général étaient dans la fonction publique de Vichy », critiquant ainsi le procès fait à Maurice Papon.

Le 19, Jean-Marie Le Pen, président du Front national (F.N.), affirme qu'il était « plus confortable de résister à Londres qu'à Paris ».

Le 19 également, Philippe Séguin dénonce le fait que le procès Papon soit devenu « le prétexte à deux procès : le procès du général de Gaulle et du gaullisme, et le procès de la France ». Le président du Rassemblement pour la République récuse, lui aussi, l'idée de la responsabilité de « la France » dans la déportation des juifs. Il lui oppose la thèse gaullienne historique du caractère « nul et non avenu » du régime du maréchal Pétain.

Le 21, Philippe Séguin se demande, dans un article de presse, si cette « atmosphère délétère [...] n'est pas au service d'un objectif implicite : celui de continuer à gonfler la force électorale du Front national ».

Le 21 également, devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre Lionel Jospin déclare que le procès d'un homme ne doit pas être « le procès d'une époque » que mène, précisément, le chef du F.N. Il rejette la « culpabilité de la France » sous le régime de l'État français et estime que « les Français ont besoin de se rassembler [...] sur des valeurs qui sont celles de la démocratie, de la République » afin que « plus jamais ne reviennent ces événements tragiques ».

— Universalis

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