IOÁNNOU YÓRGOS (1927-1985)
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- Écrit par Gilles ORTLIEB
Poète et écrivain grec, originaire de Salonique, et dont l'œuvre est saluée dans son pays comme l'une des plus originales de la littérature contemporaine, Ioánnou, que l'on a parfois comparé à Joyce pour son investigation attentive, et sans complaisance, de l'univers intérieur, a débuté comme lui par une production poétique parcimonieuse (Hèliotropia, 1953 ; « Héliotropes », suivi, neuf ans plus tard, par Ta Chilia Dendra, « Les Mille Arbres »). En des poèmes brefs et d'un lyrisme tourmenté, il annonçait la plupart des thèmes sur lesquels seront bâtis ses récits en prose : le monde perdu de l'enfance et celui de la ville, avec ses gouffres et ses angoisses, autant de manifestations d'un exil intérieur que la poésie a pour tâche, sinon d'exorciser, au moins de conjurer.
Chaleureusement accueilli par la critique, son premier recueil de récits (Pa hena philotimo, 1964 ; « Pour l'honneur ») a introduit en Grèce un genre nouveau, où la réalité la plus quotidienne et la plus intime se trouvait transposée en des textes courts, à mi-chemin de la nouvelle et de la confession, écrits toujours à la première personne. Car Ioánnou n'agit pas en romancier ; c'est un observateur lucide, mais dont le regard qu'il porte sur autrui reflète toute la distance qui le sépare de lui-même. Et l'on retrouve chez lui l'ironie, cette politesse du désespoir, familière aux écrivains qui, à l'instar de Beckett ou de Thomas Bernhard, puisent dans une introspection méticuleuse le matériau le plus sûr de leur œuvre. Les recueils suivants (Hè Sarkophagos, 1971 ; « Le Sarcophage » ; Hè Monè Klèronomia, 1974 ; « Le Seul Héritage ») ne feront qu'élargir, dans l'espace et dans le temps, les frontières de son domaine romanesque : nombre de ces nouvelles évoquent en effet la période noire de l'Occupation telle qu'elle peut se graver dans la mémoire d'un adolescent, ses séjours à l'étranger, ou le décor de sa ville natale — qu'il arpentera à nouveau dans un livre paru en 1975 (To Diko mas aima, « Notre Sang »). Pour autobiographiques qu'ils soient, et soumis aux seuls infléchissements d'une secrète nostalgie, ces trois recueils d'« écrits en prose » (réunis sous ce titre, Pezographèmata, en 1975) n'en offrent pas moins l'une des images les plus authentiques de la Grèce d'aujourd'hui. Fondateur, en 1978, d'une revue littéraire (To Phulladio), Ioánnou a traduit Tacite et l'Anthologie palatine. Il a également consacré d'importants travaux à la culture populaire de son pays, en recueillant notamment les textes du célèbre karagheuz. En revenant à une veine d'inspiration plus personnelle (Pollapla Katagmata, 1982 ; « Fractures multiples », récits composés lors d'un séjour en hôpital), il a fait la preuve que l'écriture n'était pour lui qu'un moyen d'appréhender, voire d'apprivoiser, la réalité.
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Écrit par
- Gilles ORTLIEB : écrivain
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Pour citer cet article
Gilles ORTLIEB. IOÁNNOU YÓRGOS (1927-1985) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )
Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009