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WEITLING WILHELM (1808-1871)

Fils naturel d'une servante et d'un officier de la Grande Armée, Weitling est mis en apprentissage chez un tailleur après des études primaires et commence à vingt ans son tour d'Allemagne. En 1830, à Leipzig, il prend part au mouvement libéral saxon et adresse à la Leipziger Zeitung des articles radicaux. Établi à Paris en 1835-1836, puis de nouveau en France de 1837 à 1841, il s'affilie à la Ligue des justes (Bund der Gerechten), regroupement d'exilés allemands en France.

Ses dons d'orateur lui assurent une grande influence dans ce milieu, ce dont témoigne le fait qu'il ait été choisi pour être l'auteur du manifeste de la Ligue : L'Humanité telle qu'elle est et telle qu'elle devrait être (Die Menschheit wie sie ist und wie sie sein sollte, 1838). C'est une critique ardente de la société où la richesse engendre l'injustice, et une première ébauche de société communiste. En 1839, les membres de la Ligue ayant été dispersés, Weitling quitte la France pour la Suisse où il s'établit en 1841. Il y fonde, outre diverses associations communistes, deux revues : Der Hilferuf der deutschen Jugend et Die junge Generation, dont le succès contribue à lier le socialisme au mouvement ouvrier. C'est alors que paraît en 1842 son principal ouvrage : Les Garanties de l'harmonie et de la liberté (Die Garantien der Harmonie und der Freiheit) où Weitling reprend sa critique de la propriété, de l'argent, du commerce et propose un nouveau plan d'organisation communiste assez proche du plan énoncé par Cabet, et étayé d'une théorie des appétits humains. À l'annonce de la publication d'un nouvel ouvrage, L'Évangile d'un pauvre pécheur (Das Evangelium eines armen Sünders) qui paraîtra en 1843, et dans lequel Jésus est présenté comme le premier révolutionnaire, Weitling est arrêté, condamné, puis expulsé de Suisse. Désormais, tenu de plus en plus à l'écart des autres socialistes allemands, il s'installera successivement à Londres, à New York puis de nouveau en Allemagne, pour enfin revenir à New York où il poursuit son combat en fondant un club ouvrier (Der Arbeiterbund) et une colonie communiste, Communia. C'est à New York qu'il meurt, oublié, tombé dans la misère et la folie.

Sa vie durant, Weitling a affirmé sa confiance dans la révolution sociale qu'il concevait déjà comme le résultat d'un mouvement de masse, et appelé la classe ouvrière à affranchir l'humanité. Aussi Engels l'a-t-il placé parmi les fondateurs du communisme allemand. Mais, unie à cette tendance prolétarienne et révolutionnaire, a toujours subsisté de lui une tendance utopique, qui finit même par devenir prépondérante à partir de 1843. On retrouve dans sa conception millénariste du christianisme, présenté comme le véritable communisme, l'influence de Lamennais et de Cabet, de même que sa théorie de l'harmonie est tirée de Fourier. Ses références à un univers où l'artisanat est encore prépondérant expliquent sans doute la faiblesse de ses analyses économiques. Après sa mort, ses disciples, S. Seiles et C. Albrecht, ont mis l'accent sur l'aspect messianique de sa pensée. Aussi est-ce surtout dans les milieux des artisans allemands que l'audience de Weitling fut le plus profonde et le plus durable.

On retiendra comme significative la controverse qui mit aux prises Marx et Engels avec Weitling sur le choix de la devise à adopter pour le Parti communiste naissant. Weitling préconisait la formule schillérienne (et beethovénienne) : « Tous les hommes sont frères » ; Marx et Engels préférèrent le mot d'ordre : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous », en rétorquant à Weitling que, de certains hommes, ils n'avaient nulle envie de se dire les frères.

— François BURDEAU[...]

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Classification

Pour citer cet article

François BURDEAU. WEITLING WILHELM (1808-1871) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • COMMUNISMES RELIGIEUX

    • Écrit par Henri DESROCHE
    • 3 049 mots
    ...maintenues en Allemagne [...] où elles enseignaient un communisme primitif conforme à l'esprit des premiers chrétiens »... (Menchen-Helfen et Nicolaïewski). W.  Weitling, le fondateur, selon Karl Marx, du communisme européen, fut directement influencé par cette fermentation : son socialisme utopique et insurrectionnel...
  • UTOPIE

    • Écrit par Henri DESROCHE, Joseph GABEL, Antoine PICON
    • 12 040 mots
    • 2 médias
    ...connivences, qui étendent son influence au Nouveau Monde américain et au continent européen. Un peu plus tard, l'Allemagne obtient un certain relief avec Wilhelm Weitling, cet utopiste que Marx et Engels, avant de le récuser, auront considéré comme le fondateur du communisme allemand : traducteur de Lamennais...

Voir aussi