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PERCY WALKER (1916-1990)

Chose plus rare qu'on ne le croit, dans un pays où les généalogies s'inventent parfois du jour au lendemain, Walker Percy descend d'une très ancienne famille du Sud. C'est à la fin du xviiie siècle, au lendemain de la révolution américaine, que « Don Carlos », le premier Percy, s'installe au sud de Natchez, dans ce qui est encore à l'époque territoire espagnol. Son petit-fils, le trisaïeul du romancier – l'Aigle gris du Mississippi, ainsi qu'on le surnommait – fit partie de la caste des planteurs du Sud qui, au lendemain de la guerre civile, s'efforça d'enrayer la montée des petits Blancs racistes et « mangeurs de feu » : les Snopes de Faulkner. Walker Percy avait treize ans lorsqu'en 1929 son père se suicida. Il fut élevé par son grand-oncle, Alexander Percy, l'auteur de Lanterns on the Levee, ou « mémoires d'un planteur sudiste » (1942). Ce livre est une longue méditation élégiaque sur le crépuscule de l'aristocratie, caste en voie d'extinction dont les bastions tombent l'un après l'autre sous l'assaut de la « racaille ».

Alexander Percy se voit comme « le dernier des gentilshommes », expression dont Walker Percy fera le titre d'un de ses romans. Du monde qu'il a connu il ne reste plus qu'une poignée de « survivants » dépossédés de leur héritage, n'ayant plus d'autre recours que d'errer dans le désert tels des nomades, sans feu ni lieu pour y attendre l'apocalypse et la venue, au milieu des ruines (autre titre de Walker Percy), du rédempteur. Toute l'œuvre de Walker Percy est une sorte de dialogue d'outre-tombe avec le fantôme de cet aristocrate désespéré.

Walker Percy fait d'abord des études de chimie à Chapel Hill (Caroline du Nord). Ces années sont marquées par un voyage en Allemagne – en 1934, au lendemain du putsch de Hitler. En 1937, il commence sa médecine à Columbia où, pendant son internat, il contracte la tuberculose en pratiquant des autopsies sur des cadavres de clochards. Au cours de son long séjour en sanatorium, il lit les auteurs qui marqueront son œuvre : le Sartre de La Nausée, Dostoïevski, Kierkegaard, et surtout Gabriel Marcel. Un des thèmes majeurs de son œuvre se situera au croisement entre l'existentialisme et le mouvement « néocalviniste » américain : en promettant le bonheur au genre humain, la philosophie des Lumières oublie que l'homme est un animal tragique, qui n'est pas « chez lui » sur terre, mais en exil, un simple « pèlerin », de passage (l'homo viator de G. Marcel). En 1950, Walker Percy va s'installer dans une banlieue de La Nouvelle-Orléans. Par ce geste il sort du « Sud » : il veut oublier cet univers saturé de récits et de légendes. En se convertissant à la même époque au catholicisme, il veut rompre également avec la vision protestante toute tendue vers l'attente de l'apocalypse, et reprendre pied dans « le monde quotidien des choses ».

Walker Percy est le premier écrivain de « l'après Faulkner ». À l'origine de son œuvre, il y a Quentin Compson, le jeune homme de la saga des Sartoris qui a l'impression d'être hanté par des « fantômes obstinés regardant vers le passé » et qui, finalement, se jette dans la rivière. Le héros du premier roman de Walker Percy, The Moviegoer (Le Cinéphile, 1961), a lui aussi l'impression de vivre dans le « déjà-vu » : il arrive trop tard, dans un monde trop vieux, alors que son histoire a déjà été racontée. Pour lui échapper, il rêve de sortir dans le désert – un lieu sans histoire ni archives où il ne serait plus qu'un œil découvrant les choses comme pour la première fois. Dans The Last Gentleman (Le Dernier Gentilhomme, 1968), Will Barrett est un amnésique, qui quitte le vieux Sud pour errer dans Central[...]

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Écrit par

  • : professeur de littérature américaine à l'université de Paris IV-Sorbonne et à l'École normale supérieure

Classification

Pour citer cet article

Pierre-Yves PÉTILLON. PERCY WALKER (1916-1990) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Marc CHÉNETIER, Rachel ERTEL, Yves-Charles GRANDJEAT, Jean-Pierre MARTIN, Pierre-Yves PÉTILLON, Bernard POLI, Claudine RAYNAUD, Jacques ROUBAUD
    • 40 118 mots
    • 25 médias
    ...« aristocratie ». À partir de là, on peut adopter l'une ou l'autre de deux stratégies, illustrées respectivement par les noms de William Styron et de Walker Percy. William Styron (1925-2006) a grandi en Virginie, dans le crépuscule de la tradition. À partir de la chronique de l'autodestruction d'une...

Voir aussi