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GIAP VÔ NGUYÊN (1911-2013)

Le combattant

Tranchées de Diên Biên Phu, 1954 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Tranchées de Diên Biên Phu, 1954

La plupart de ses adversaires, les Français puis les Américains, confirmeront cette réputation sanguinaire en faisant valoir que Giap, sur le champ de bataille, dispose sans hésitation de la vie de ses hommes pour vaincre coûte que coûte. Toutefois, il est encore convaincu, comme ses conseillers chinois, qu'il faut avoir l'avantage du nombre pour anéantir l'adversaire. Avant l'affrontement de Diên Biên Phu (mai 1954), il souligne même qu'il est nécessaire de disposer de trois fois plus d'hommes que l'ennemi et d'une puissance de feu cinq fois supérieure. Cette conception tactique sera peu à peu révisée, voire inversée, pendant la guerre américaine. En effet, la guerre révolutionnaire peut et doit s'engager sur un ennemi supérieur en nombre alors même que l'on dispose de très peu de forces. Pour ce faire, il convient d'affaiblir en permanence l'ennemi sur ses arrières et de recourir tant à la pression armée qu'à la propagande politique. Ainsi, lors du siège de Diên Biên Phu, cette tactique du grignotage s'est traduite par l'innovation des tranchées d'approche, émiettant les unes après les autres les positions françaises, avant de les submerger. De la même manière, dans leurs boyaux souterrains, les soldats du Viêt-cong pourront continuer de combattre les Américains, tandis que leurs homologues du Nord s'organisent en camps retranchés pour poursuivre la lutte en dépit des bombardements aériens.

Retour de réfugiés à Huê au Vietnam, 1968 - crédits : Terry Fincher/ Express/ Getty Images

Retour de réfugiés à Huê au Vietnam, 1968

Néanmoins, avant de considérer le général Giap comme un stratège hors pair, on doit souligner que la première de ses qualités est d'être un planificateur méticuleux qui n'hésite pas à retarder une offensive si elle n'est pas prête et à s'opposer à l'avis de ses conseillers chinois, comme ce fut le cas lors de la chute de Diên Biên Phu. Que ce soit lors des opérations le long de la route coloniale no 4 ou lors de l'offensive du Têt en 1968, la supériorité des combattants de Giap tient à leur capacité de mobilité, à leur détermination et à l'efficacité des réseaux logistiques. Depuis le début du conflit, la guerre du Viêt-minh, énoncée sur la base des réflexions théoriques de Truong Chinh et mise en œuvre par Giap, était une guerre de mouvement, même dans les espaces les plus restreints. Elle s'articulait sur la conjonction de trois forces insurrectionnelles : l'armée régulière, les forces régionales, chargées de harceler l'ennemi sur ses arrières pendant l'engagement de la force principale, et les forces locales d'autodéfense qui, elles, répondaient aux besoins du renseignement, de la logistique et de la protection sanitaire des combattants. En mars 1957, lors du XIIe plénum du comité central, Giap propose un nouveau schéma organisationnel et explique que, désormais, il faut non seulement moderniser les forces armées, mais également les professionnaliser. À mesure qu'approche la reprise des combats pour la réunification, il réforme l'armée selon le modèle soviétique, en introduisant un corps de blindés ou encore en instaurant des grades et des insignes. Même si le général Giap fut l'un des apôtres de la coopération politico-militaire avec Moscou, pendant toute la guerre américaine, sa première conviction fut de croire qu'il fallait battre les G.I. non pas militairement mais moralement. Par conséquent, la guerre révolutionnaire devait être menée sur plusieurs fronts fortement imbriqués, sans ordre des facteurs, de la lutte politique à la lutte armée. Ainsi, dès la fin de la guerre américaine, Giap considère qu'il faut accorder une place primordiale à la (re)construction économique pour assurer la pérennité de la sécurité du Vietnam. Partisan d'une alliance stratégique avec l'Union soviétique, seule apte à ses yeux à disposer des moyens de moderniser l'appareil économique et militaire tout en garantissant[...]

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Écrit par

  • : enseignant à l'Institut national des langues et civilisations orientales

Classification

Pour citer cet article

Christian LECHERVY. GIAP VÔ NGUYÊN (1911-2013) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Vo Nguyên Giap - crédits : Bettmann/ Getty Images

Vo Nguyên Giap

Tranchées de Diên Biên Phu, 1954 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Tranchées de Diên Biên Phu, 1954

Retour de réfugiés à Huê au Vietnam, 1968 - crédits : Terry Fincher/ Express/ Getty Images

Retour de réfugiés à Huê au Vietnam, 1968

Autres références

  • DIÊN BIÊN PHÛ (BATAILLE DE)

    • Écrit par Pascal LE PAUTREMAT
    • 233 mots
    • 1 média

    Encerclées dans un camp retranché, dans la cuvette de Diên Biên Phu, les troupes françaises commandées par le général de Castries résistent pendant cinquante-sept jours à l'offensive massive des troupes nord-vietnamiennes du général Giap, qui veut obtenir une victoire décisive après huit années...

  • VIETNAM

    • Écrit par Philippe DEVILLERS, Universalis, Pierre-Bernard LAFONT, NGUYÊN TRÂN HUÂN, Michèle PIRAZZOLI-t'SERSTEVENS, Matthieu SALOMON, Stéphanie SOUHAITÉ, Christian TAILLARD
    • 46 746 mots
    • 40 médias
    Les communistes, de leur côté, avaient repris l'initiative. Au début de 1941, leurs dirigeants (Pham Van Dong, Dang Xuân Khu, Vo Nguyen Giap, Hoang Quoc Viet...), qui opéraient au nord, avaient retrouvé Nguyen Ai Quoc, qui, après avoir quitté l'Union soviétique en 1938, avait pu gagner, à travers...

Voir aussi