Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ESPINEL VICENTE (1550-1624)

Écrivain espagnol né à Ronda, Espinel veut, après avoir fait ses études à Salamanque, partir pour l'Amérique : la peste empêche la flotte d'appareiller. À Valladolid, il est au service du comte de Lemos. N'ayant pas réussi à s'enrôler dans une nouvelle expédition militaire, il séjourne à Séville où il se mêle aux milieux interlopes. Comme il vogue pour l'Italie, il est fait prisonnier par les pirates d'Alger. Engagé dans l'armée d'Alexandre Farnèse, il combat en Flandre, puis il revient en Italie où il reprend ses études de musique. De retour en Espagne, il se fait prêtre et obtient un demi-bénéfice à l'église de Ronda. Bachelier (1589), puis maître (1596) « ès arts », on lui confie une charge de maître de chapelle à Madrid, où il demeure jusqu'à sa mort. Grand humaniste, il fréquenta les meilleurs esprits et la haute société de son temps. Cervantès et Lope de Vega le citent avec beaucoup d'éloges. Excellent musicien, on lui attribue l'introduction de la cinquième corde de la guitare. Poète lyrique de qualité (cet aspect aujourd'hui est injustement oublié), il publie en 1591 ses Rimas et un Art poétique directement inspiré par celui d'Horace. On lui doit l'invention, ou plutôt le perfectionnement, d'une forme strophique très populaire, la décima ou espinela (dizain d'octosyllabes ainsi rimées : abbaaccddc). En 1618 il avait publié son principal ouvrage : Vida del escudero Marcos de Obregón. Le livre est divisé en trois Récits (Relaciones) entrecoupés de Pauses (Descansos). Le vieil écuyer Marcos de Obregón, à la façon du fameux Lazarillo de Tormes, fait à la première personne le récit de sa vie.

La verve d'Espinel est souvent intarissable ; c'est un de ses défauts. Dans la trame de son récit multiple on reconnaît le fil du roman picaresque, mais aussi l'héritage d'Homère, d'Apulée, des chroniques des Indes et des romans de chevalerie. Fables, contes, conseils, aphorismes, descriptions géographiques fantastiques agrémentent une histoire non dépourvue de charme malgré ses aspects disparates et invraisemblables. Sous la fiction on lit clairement l'autobiographie d'Espinel et l'on découvre une personnalité attachante, rêveuse et musicienne, sachant goûter et faire sentir directement la nature et les paysages, écrivant souvent de façon nonchalante, sans prétention, avec une sincérité qui émeut. Ce livre, que l'on rattache habituellement au genre picaresque, s'en distingue par plusieurs traits : on n'y retrouve ni la psychologie du pícaro, héros de l'anti-honneur, ni le pessimisme tragique, ni la verdeur du style, ni l'âpreté de la morale, ni, enfin, le ton incisif de la satire qui caractérisent le Guzman de Alfarache de Mateo Alemán. La bruyante querelle littéraire suscitée par Voltaire, qui prétendait que le Gil Blas de Santillane de Lesage n'était qu'un plagiat du Marcos de Obregón, a contribué à la célébrité du roman d'Espinel.

— Bernard SESÉ

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

Classification

Pour citer cet article

Bernard SESÉ. ESPINEL VICENTE (1550-1624) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Voir aussi