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TURNER (exposition)

Était-il encore besoin d'une rétrospective consacrée à Joseph Mallord William Turner (1775-1851) ? Depuis l'ouverture en 1987, au sein de la Tate Gallery, des salles d'exposition permanentes et temporaires de la Clore Gallery, entièrement dévolues à l'artiste, Turner est largement montré, au moins à Londres, dans toute la variété de ses styles successifs et la diversité de ses techniques – peinture à l'huile, aquarelle, dessin, estampe. Il est non seulement un peintre célèbre, mais aussi un artiste bien connu, grâce à de nombreuses études et expositions, en Grande-Bretagne et dans le reste du monde. Et il a largement bénéficié du renouveau des travaux autour de l'art britannique néoclassique et romantique, sensible depuis les années 1980-1990. Sobrement intitulée J.M.W. Turner, l'ambitieuse exposition monographique organisée à partir des fonds de la Tate Gallery a néanmoins démontré, pendant l'année où elle a « tourné » aux États-Unis (National Gallery of Art, Washington, 1er octobre 2007-6 janvier 2008 ; Dallas Museum of Art, 10 février-18 mai 2008 ; Metropolitan Museum of Art, New York, 1er juillet-21 septembre 2008), qu'il était encore possible de porter un regard renouvelé sur cette œuvre.

Le plaisir de la peinture

Le plaisir était, sans aucun doute, d'abord celui de la visite : si l'exposition faisait une belle place aux aquarelles (tant les esquisses et les croquis pris sur le vif que les moyens ou grands formats très achevés destinés à la gravure ou à la vente) ainsi qu'aux estampes, présentes en petit nombre, l'essentiel était constitué par les peintures. Celles-ci, venues de Grande-Bretagne mais aussi très largement d'Amérique du Nord, où Turner est très bien représenté dans les collections publiques, étaient toujours très classiquement disposées, en particulier à Dallas et à New York : murs discrètement colorés, cimaises avec moulurations rappelant lointainement les châteaux anglais ou les salles des musées et des expositions temporaires du xixe siècle, vastes espaces mettant en valeur les grands formats, accrochages symétriques. Rien de passéiste pourtant dans ces choix muséographiques, mais une véritable démarche historique qui mettait Turner particulièrement bien en valeur et le resituait dans le contexte de sa création. L'artiste a en effet toujours recherché le public, et travaillé en conséquence. De ce point de vue, la séparation faite à Dallas entre peintures et aquarelles était éloquente dans la mesure où elle permettait au spectateur d'entrer pleinement dans la stratégie de Turner. Celle-ci était au moins double : le peintre visait, presque chaque année, lors de l'exposition annuelle de la Royal Academy, sinon à créer totalement l'événement, du moins à attirer l'attention par le format, le sujet, la technique (pour ne rien dire aussi de ses « performances » lors du vernissage où il « finissait » certains tableaux sous les yeux des amateurs et de ses confrères). Par ailleurs, la présentation régulière d'aquarelles, dont étaient souvent tirées des estampes, lui permettait de toucher le public d'une manière plus continue, et d'imposer encore davantage ses thèmes et son style. Dans l'exposition, tout cela était rendu apparent par une présentation mettant en relief, assez paradoxalement pour le goût contemporain, le classicisme de Turner, qui fut réel, plus que son romantisme ou sa modernité, qui ne le sont pas moins. Pour qui préférait ce versant de son œuvre suffisait néanmoins la réunion d'une dizaine des aquarelles exécutées pendant l'incendie du Parlement de Londres, le 16 octobre 1834, et des deux toiles qu'il en tira (exposées ensemble uniquement à Washington et à Dallas) : un ensemble qui constituait le sommet de l'exposition.[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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Pour citer cet article

Barthélémy JOBERT. TURNER (exposition) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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