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TOLÉRANCE ZÉRO

D'autres réponses possibles

La politique de la « tolérance zéro » consiste surtout à demander aux policiers de s'attaquer beaucoup plus massivement aux désordres de la voie publique tels que les vols parfois accompagnés de violence, la prostitution, la mendicité, l'alcoolisme, et à contrôler de façon beaucoup plus intense les personnes et les véhicules afin de raréfier le port d'armes et d'intimider les fraudeurs. Si une telle politique n'est pas dénuée d'effets sur la tranquillité de la voie publique, son efficacité à moyen et à long terme en matière de lutte contre la criminalité reste cependant à démontrer. Par ailleurs, elle s'accompagne d'effets pervers non négligeables, le principal étant d'exacerber les tensions entre la police et les jeunes appartenant aux minorités ethniques qui constituent traditionnellement des « populations cibles » de l'action policière, par conséquent d'augmenter le risque de dérapages des contrôles et des fouilles vers des « bavures policières » susceptibles à leur tour de décrédibiliser les policiers, de leur attirer des actes de représailles voire, dans certains contextes, de favoriser le déclenchement d'émeutes.

On peut enfin regretter que cette expérience new-yorkaise très médiatisée accapare les esprits, au détriment de l'étude d'autres expériences de transformation des habitudes de travail de la police que l'on regroupe généralement sous le vocable d'expériences de « police communautaire ». À l'origine de ces débats aux États-Unis, il faut mentionner l'importance de la théorie de la « vitre cassée » de Wilson et Kelling, dont l'expérience de police de New York s'est souvent réclamée mais qu'elle a en réalité totalement dévoyée pour dériver vers une répression policière tous azimuts et anonyme. Pour Wilson et Kelling, le rétablissement de la tranquillité publique dans les quartiers en difficulté devait passer par la transformation des modes de travail des policiers afin de les amener à s'insérer véritablement dans le tissu relationnel d'un quartier et y jouer ainsi un rôle pacificateur et régulateur, en collaboration avec les habitants. D'autres villes américaines s'en sont partiellement inspirées, par exemple Chicago. Les résultats y ont été partiels et inégaux. Mais c'est néanmoins dans l'évaluation comparée des différentes réformes expérimentales que l'on pourrait essayer d'apprécier l'intérêt et les limites de tel ou tel modèle. Gageons qu'un tel état d'esprit serait bienvenu en France où la « police de proximité » n'est bien souvent qu'un slogan et une réorganisation administrative que n'accompagne aucune réforme véritable des modes d'intervention de la police. La diffusion récente de l'idéologie de la « tolérance zéro » risque même de vider totalement de son sens et de ces effets cette tentative de réforme et de conduire aux mêmes impasses qui font que cette politique est aujourd'hui remise en cause aux États-Unis.

— Laurent MUCCHIELLI

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Écrit par

  • : sociologue, chercheur au C.N.R.S. (Cesdip), enseignant à l'université de Saint-Quentin-en-Yvelines

Classification

Pour citer cet article

Laurent MUCCHIELLI. TOLÉRANCE ZÉRO [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ENFANCE (Situation contemporaine) - Le droit de l'enfant

    • Écrit par Alain BRUEL
    • 9 311 mots
    ...notion d'insécurité, dont l'apparition est pourtant datée (1983) et politiquement connotée comme une invention de l'extrême droite ; il en est de même de la tolérance zéro, empruntée à la campagne électorale d'un maire de New York et transposée sans précaution dans un fonctionnement judiciaire français...

Voir aussi