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WILDER THORNTON (1897-1975)

Né à Madison (Wisconsin), Thornton Wilder a poursuivi avec constance sa triple activité d'enseignant, de romancier et de dramaturge, jouissant d'une notoriété de bon aloi, depuis le grand succès de son deuxième roman, en 1927, jusqu'à la publication, près d'un demi-siècle plus tard, de Theophilus North, autobiographie romancée écrite durant sa soixante-quinzième année. L'histoire de sa vie se confond avec celle de sa formation et de son œuvre. Enfant, il fait deux séjours en Chine, où son père, journaliste de talent, est envoyé comme consul général. Puis il est étudiant à Oberlin et Yale, enfin à Princeton, qui lui décerne sa maîtrise en 1926.

Il révèle son talent d'écrivain avec trois romans successifs : The Cabala, 1926 (La Cabale), The Bridge of San Luis Rey, 1927 (Le Pont du roi Saint Louis), qui le rend célèbre, et The Woman of Andros, 1930 (La Femme d'Andros), ainsi qu'avec une série de treize pièces courtes destinées à la lecture. En 1930, il est appelé au département de littérature comparée de l'université de Chicago, où il enseignera jusqu'en 1936. Il traduit Ibsen, Obey, Sartre, fait quelques séjours à Hollywood comme scénariste et participe même comme acteur au succès de ses propres pièces. Après un quatrième roman, Heaven's My Destination, 1935 (En voiture pour le ciel), il se consacre pour un temps au théâtre, où il triomphe avec Our Town, 1938 (Notre Ville) et The Skin of Our Teeth, 1942(La Peau des dents), qui sont, depuis lors, devenus des classiques. Il cesse toute activité officielle à l'âge de soixante-cinq ans, mais produit encore deux romans, dont l'ambitieux The Eighth Day, 1967 (Le Huitième Jour), qui replonge le lecteur dans la réalité américaine du début du siècle.

L'activité créatrice de Wilder se partage donc entre le théâtre et le roman. Sa fiction se présente comme le lieu de l'écart et de la fragmentation : il y prend ses distances, au point de convergence et de réfraction de la littérature occidentale. Ses trois premières œuvres s'écartent délibérément du contexte américain, dépaysent le lecteur, qu'elles transportent dans la Rome cosmopolite de la dolce vita, le Pérou du xviiie siècle, la Grèce antique. Même distanciation avec The Ides of March, 1948 (Les Ides de mars), dont la scène est la Rome de César. Mais, simultanément, une thématique commune réinstaure une unité dans cet éclatement du temps et de l'espace : tous les personnages sont des solitaires en quête d'un sens et d'un objet à leur besoin d'aimer. L'œuvre romanesque est aussi le lieu de l'écriture, de la délectation, où le lettré s'inspire de discours antérieurs, les combine et crée son propre texte. Parmi les influences majeures qui l'ont marqué (Wilder a, par ailleurs, reconnu sa dette envers Gertrude Stein et James Joyce), celle de Proust aura sans doute été, par le sujet et par le style, la plus constante et la plus fructueuse.

À l'opposé, l'œuvre dramatique replonge aux sources populaires et réussit là où les romans, qui ont pour cadre l'Amérique, avaient échoué : évoquer avec simplicité et conviction les conflits et les espoirs de l'homme moyen dans son milieu familial. Certes, The Skin of Our Teeth s'inspire de Finnegans Wake de Joyce ; son langage et le simultanéisme qui fait coïncider l'histoire de l'humanité et celle d'un couple avaient de quoi surprendre le public de 1942, mais ce fantastique verbal et onirique n'est là que pour donner une dimension universelle à des destinées enracinées dans le quotidien. Wilder se contente d'exalter la vertu des humbles, comme si l'acte de vivre ou de survivre était la seule réelle victoire au regard des dangers rencontrés. Pour cet homme en marge de son siècle, l'art dramatique aura été une façon d'affirmer son appartenance à son[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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Pour citer cet article

André LE VOT. WILDER THORNTON (1897-1975) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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