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DUROY STÉPHANE (1948- )

Photographe dont l’esthétique se nourrit du thème de l’exil et de la mémoire, Stéphane Duroy, né le 17 janvier 1948 à Bizerte (Tunisie), montre en grandissant un vif intérêt pour l'actualité, éclairée par les commentaires d'un père juriste, notamment lors du soulèvement de Budapest en 1956. Jeune homme, il découvre la photographie quand, fuyant son ennui, il entreprend en 1971 de voyager à travers la Finlande, l'Allemagne et la Turquie. La même année, il décide d'abandonner des études de droit à la faculté de Nanterre pour se rendre à Belfast en auto-stop. D'autres voyages suivront, au Soudan anglais, en Éthiopie, en Égypte et en Grèce, confortant sa décision d'utiliser la photographie comme support d'investigation.

Aux marges de l’histoire

<em>Belfast</em>, S. Duroy - crédits : Stéphane Duroy

Belfast, S. Duroy

Retournant au Royaume-Uni en 1977, il développe alors une démarche d'auteur en questionnant l'incidence de l'histoire contemporaine sur le destin des individus, des groupes ou des communautés. La dimension historienne du projet rejoint l'empathie de Stéphane Duroy pour une humanité meurtrie par les événements, les guerres et les déplacements, les mutations et les désordres, avec l'empreinte de la désillusion, du désespoir et de la résignation. Alimenté par plusieurs séjours, ce travail sur l'Angleterre thatchérienne fournira la matière du livre Distress (Filigranes, 2011).

Un premier voyage à Berlin, au mois d'octobre 1979, marque le début d'une relation continue avec cette ville, perçue comme le centre d'une recherche photographique sur l'histoire, et interrogée jusqu'à la chute du Mur en 1989. Il lui consacrera trois livres. Pendant la décennie 1990, Stéphane Duroy multiplie les visites des lieux de souffrance et de mémoire. À Douaumont comme à Auschwitz, la négation du genre humain par la guerre et le nazisme restera au cœur de l'œuvre à venir. Le nombre et la durée des séjours suffiraient à ranger le travail de Stéphane Duroy à l'écart du photojournalisme attaché au factuel : intéressé par le temps plus que par l'instant, le photographe préfère, selon ses propres termes, la « théâtralisation » des lieux à leur strict repérage. Il raréfie les prises, opère une élimination sévère à l'édition. Ce long travail aboutira en 2000 à la sélection de vingt et une photographies publiées dans un livre mince mais dense, L'Europe du silence (Filigranes, 2000).

Autant que l'Europe du xxe siècle, les États-Unis d'Amérique suscitent à partir de 1984 sa considération amère pour un territoire qui accueillit des générations d’immigrés. S'il réalise quelques portraits, comme il l'avait fait en Irlande, le photographe étend sa vision aux lieux ‒ quartiers de villes de province, paysages intermédiaires et désolés, rues désertes. La narration muette de Duroy sur l'exil et l'abandon de la mémoire prolonge le discours contemplatif sur l'Allemagne et la Pologne, avec le même pouvoir expressionniste, sans recours littéral. En même temps qu'ils s'inscrivent dans une démarche qui fait de chaque livre un élément d'une même réflexion rigoureuse et radicale, Unknown (Filigranes/Anthea, 2007) et 1297 (fondation Calouste Gulbenkian, 2009), consacré au Portugal et aux frontières de son empire effondré, confirment le goût de Duroy pour l'importance du détail, à la jonction du documentaire et du symbolique. Dans un format inspiré des albums de famille, Geisterbild (Filigranes-GwinZegal, 2012) innove encore en plaquant des photographies de civils ou de militaires allemands de la période 1933-1945 sur des motifs de papiers peints anciens. Cette première excursion plasticienne répond à la collection entretenue de longue date par Duroy de coupures de presse, de photographies anonymes, de bouts d'essais, d'épreuves récupérés auprès des tireurs,[...]

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Média

<em>Belfast</em>, S. Duroy - crédits : Stéphane Duroy

Belfast, S. Duroy