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TCHERNIKHOVSKY SAÜL (1875-1943)

Pèlerin de la Terre promise

Tchernikhovsky fait là le procès du ritualisme juif, mais il garde jalousement le souvenir des héros et de la terre de ses aïeux, devenant ainsi un des plus fermes soutiens du jeune mouvement sioniste. C'est en glorifiant les héros juifs antiques qu'il trouve des accents prophétiques, presque à son corps défendant, car il ne manque pas de dénoncer le Moyen Âge chrétien et juif issu du prophétisme.

S'adressant à son malheureux peuple parqué dans le ghetto russe, il s'écrie :

 Ô toi, qui as soif de la parole divine, dont l'âme languit après la Lumière de Jéhova, pareil à un oiseau enfermé dans une cage [...] lève-toi et viens ici, ô mon frère abattu. [...] Je te révélerai les cieux des cieux, je verserai sur toi la rosée de la Renaissance, et tu en guériras.

Cette renaissance dans le pays ancestral est un de ses thèmes favoris : « Je crois toujours en l'avenir, fût-il lointain, où mon peuple refleurira, où une nouvelle génération se lèvera, unie à la terre, dont les chaînes seront enlevées, et qui verra la lumière face à face, qui vivra, qui aimera, qui agira, qui créera. » Ainsi, Tchernikhovsky demeura un croyant à sa manière.

Sa poésie foisonne de formes nouvelles, de rythmes, de rimes, d'assonances. Tout en possédant au plus haut degré le génie de la langue ancestrale, il y apporte les grandes découvertes de l'art occidental, et porte le sonnet à un degré de perfection inconnu dans la poésie hébraïque.

En 1905, il termine ses études médicales à Lausanne. Puis il retourne en Russie : Kiev, Saint-Pétersbourg, Odessa. Il est tour à tour interdit de séjour, incarcéré pour de pseudo-menées subversives, médecin de campagne pendant une épidémie de choléra, médecin au front durant la Première Guerre mondiale, externe dans un hôpital militaire au début de la révolution. Il ne cesse pas pour autant d'écrire, produisant même, en cette époque troublée, ses plus beaux chants.

Ses principaux recueils ont pour titres : Visions et mélodies (Hezionot ou-Manguinot), Idylles (Sefer Ha Idiliot), Cahier des sonnets (Mahberet ha Sonetot), La Flûte (He Halil, recueil de poésies enfantines), Vois donc, terre ! (Reï-Hadama, recueil de poèmes israéliens).

Tchernikhovsky collabore activement à l'encyclopédie judéo-russe et écrit plusieurs livres de prose, tels Notions d'anatomie (Sefer Mounahim le Anatomia) et Trente-Trois Contes (Chelochim ou-chelocha Sipourim) ainsi que de nombreux et savoureux feuilletons parus dans diverses revues.

Grand traducteur, il se donne pour tâche de faire connaître au lecteur de langue hébraïque les œuvres épiques de toutes les civilisations. Aussi traduit-il L'Iliade et L'Odyssée, des poèmes de Théocrite et les Odes d'Anacréon, Gilgamesh (la geste des héros du Tigre et de l'Euphrate), l'Évangeline et le Chant d'Hiawatha de Longfellow, le Kalevala finnois, et d'autres œuvres fondamentales, parmi lesquelles Le Banquet de Platon ; il est également le traducteur du Malade imaginaire de Molière.

En 1931, après un séjour particulièrement fécond au bord de la Baltique, en Allemagne, il s'installe au pays d'Israël. Il y est nommé médecin des écoles municipales de Tel-Aviv. Sur le sol ancestral, sa poésie s'enrichit encore, se renouvelle, devient peu à peu authentiquement israélienne et chante la jeunesse nouvelle qui régénère le pays.

En 1943, l'année même où l'on célèbre ses « noces d'or » avec la poésie hébraïque, Tchernikhovsky s'éteint à Jérusalem, succombant à une anémie pernicieuse.

Son dernier poème, « Lointaines Étoiles du firmament », passe en revue les diverses étapes de sa vie. Il se termine par un vers qui est conçu et exprimé dans le plus pur esprit biblique : « Chères étoiles, que soit bénie chacune de vous là où elle est. »[...]

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Pour citer cet article

Isaac POUGATCH. TCHERNIKHOVSKY SAÜL (1875-1943) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • HÉBRAÏQUES LANGUE & LITTÉRATURE

    • Écrit par Valentin NIKIPROWETZKY, René Samuel SIRAT
    • 8 474 mots
    • 1 média
    H. N.  Bialik (1873-1934) et S. Tchernichovski (1875-1943) sont les grands maîtres de la génération du « Passage » (Ma‘abar), celle qui transférera le centre de la littérature hébraïque d'Europe orientale en Erets Israël (terre d'Israël), nom que porte la Palestine dans tous leurs écrits, jusqu'à...

Voir aussi