SCHWARZKOGLER RUDOLF (1940-1969)
Le corps menacé
Rudolf Schwarzkogler se sert de matériaux médicaux afin de construire une réalité fondée sur un langage matériel esthétique et dramatique. Il exécute ses actions dans un espace blanchâtre, clinique et stérile. Des objets agressifs (seringue, pipette, câbles, tuyaux) se trouvent confrontés à un corps d’homme nu, parfois maquillé en blanc, parfois pansé et ligoté. Ces ambiances qui mettent en scène un corps menacé révèlent la vulnérabilité de l’être humain. Rappelons que, grand blessé de guerre, son père médecin s’était suicidé en 1943.
Dans les Actionsno 2 etno 3 (1965), Schwarzkogler met en scène son modèle Heinz Cibulka face à l’appareil photographique. Son sexe entouré de gaze évoque une blessure intime, tandis que la présence de ciseaux et de lames de rasoir suggère une castration. D’autres photographies montrent des bandes de gaze recouvrant les yeux, le cou, les bras et la poitrine de Cibulka, qui semble une victime exposée non à des soins mais à des tortures atroces.
Si Rudolf Schwarzkogler exhibe des instruments de torture dans son travail, il ne les utilise pas. À travers la disposition des objets, il parvient à suggérer l’agression et la destruction, dont l’horreur évolue seulement dans notre imagination. Pour le spectateur, l’image photographique fait figure de preuve fiable ; elle lui permet de croire à la réalité des cruautés et des blessures, d’autant plus que le choc visuel et émotionnel qu’il éprouve interdit une quelconque pensée critique.
En 1966, l’artiste réalise que son désir de perfection formelle ne permet pas d’opérer une fusion entre l’art et la vie, comme le souhaitait l’actionnisme viennois. Schwarzkogler abandonne ses mises en scène photographiques pour élaborer un travail avec la réalité même, cette fois directement exercé sur l’individu. Il aspire dès lors à un « art comme école de l’expérience », impliquant totalement le spectateur, comme la pratique du jeûne par exemple.
Rudolf Schwarzkogler n’a jamais réalisé ces projets. À la suite des dépressions et des problèmes de santé, l’artiste se suicide le 20 juin 1969.
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Écrit par
- Matthias SCHÄFER : docteur en histoire de l'art, enseignant
Classification
Autres références
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ACTIONNISME VIENNOIS
- Écrit par Matthias SCHÄFER
- 2 244 mots
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