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WILSON ROBERT RATHBUN (1914-2000)

La mémoire du physicien américain Robert Rathbun Wilson, décédé le 16 janvier 2000 à Ithaca (État de New York), restera attachée au grand accélérateur de protons connu sous le nom de Fermilab, dont il fut le constructeur et le directeur.

Né le 4 mars 1914 dans la ville de Frontier au Wyoming, Wilson suivit les cours de l'école Todd à Woodstock (Illinois), où étudia aussi Orson Welles. Après avoir fréquenté divers établissements scolaires au Wyoming, au Colorado et en Californie, il entre à l'université de Californie à Berkeley en 1932 pour devenir ingénieur électricien. Il découvre alors la physique nucléaire qui le fascine et s'initie à la recherche sous la direction d'Ernest O. Lawrence, pionnier parmi les constructeurs d'accélérateurs de particules. En 1940, il soutient à Berkeley sa thèse de doctorat et obtient un poste d'enseignant à l'université de Princeton (New Jersey). Il y conçoit entre 1941 et 1943 une méthode originale de séparation des isotopes d'uranium ; cette méthode ne fut pas adoptée par les responsables du projet Manhattan, qui engagèrent Wilson à rejoindre le groupe rassemblé à Los Alamos, sous la direction de Julius Robert Oppenheimer, afin de prendre en charge le fonctionnement du cyclotron et de faire les mesures visant à la définition précise de la masse critique nécessaire à une explosion nucléaire. Mais Wilson n'avait pas accepté sans hésitation de participer à cet effort de construction d'une arme redoutable ; responsable des mesures nucléaires pendant le test décisif que constitua l'explosion de la première bombe dans le désert du Nouveau Mexique, il ne participa pas à l'allégresse générale de ses collègues et déclara à Richard Feynman qui lui demandait la cause de sa réserve : « Nous avons fait une chose terrible. » Il décide alors d'œuvrer pour que le nucléaire devienne un facteur positif de progrès pour l'humanité, en particulier en organisant la Federation of American Scientists afin d'assurer un contrôle civil de l'usage de l'énergie nucléaire.

Nommé professeur à l'université Harvard en 1945, il propose d'utiliser des faisceaux de protons pour le traitement du cancer. L'intérêt de ce procédé est que l'on peut localiser avec précision le point d'impact d'énergie apportée par des protons, ce qui permet de ne pas endommager les cellules saines environnantes. Le cyclotron d'Harvard démontra rapidement la faisabilité de cette thérapie. En 1947, Wilson devient directeur du laboratoire d'études nucléaires de l'université Cornell dans l'État de New York. En vingt ans, il y dirige la construction de quatre accélérateurs d'électrons de plus en plus puissants et participe à de nombreuses expériences, démontrant en particulier l'existence d'états « excités » du proton. Lorsque la Commission de l'énergie atomique américaine décide en 1966 de construire un accélérateur de protons dans un nouveau site, à quelque 50 km à l'ouest de Chicago, Wilson est choisi pour mener à bien la construction du futur Fermilab, qui fut longtemps le plus grand accélérateur du monde. Directeur du laboratoire jusqu'en 1978, Wilson le marqua de sa riche personnalité. Féru d'architecture, il conçut le grand hall sur un plan inspiré de la cathédrale de Beauvais ; défenseur de la prairie américaine, il installa un troupeau de bisons sur un espace respectant l'écosystème original de la région ; soucieux du respect des minorités, il affirma par toutes ses décisions son souci des bonnes relations humaines ; gestionnaire éclairé, il réussit à mettre en service un accélérateur deux fois plus puissant que prévu en respectant l'enveloppe budgétaire initiale.

En 1969, appelé à répondre aux questions des sénateurs quant à[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

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Bernard PIRE. WILSON ROBERT RATHBUN (1914-2000) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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