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MAILLART ROBERT (1872-1940)

Comme Eiffel, Roebling et Freyssinet, également constructeurs de ponts célèbres, Maillart était un ingénieur (diplômé du Collège technique de Zurich où il sera ensuite professeur). Les architectes les consultaient sur des points « techniques », mais ils refusaient de les considérer comme étant des leurs. C'est pourquoi ce que l'architecture doit à ces ingénieurs est toujours plus ou moins occulté, non seulement par les historiens de l'architecture, mais par les architectes même qui appliquent néanmoins avec retard leurs différentes découvertes. Or ce que la modernité architecturale, au moins depuis le rationalisme, aura mis en évidence, c'est que les questions « techniques » sont en architecture plus que de simples questions techniques. Sauf à faire une architecture de théâtre (qui masque la fonction de l'édifice et n'obéit pas à la raison ou à la vérité du matériau employé), il n'est pas possible de dissocier « mise-en-forme » et « structuration » d'un bâtiment.

Avec Maillart, il est précisément question d'un matériau, le béton armé, dont il aura expérimenté les nombreuses possibilités. Maillart comprit très tôt la nature de son élasticité : le ciment résiste bien à la compression mais non à la tension, à l'inverse de l'acier, d'où l'efficace de leur union. De plus, Maillart se libéra très vite des contraintes de la loi de Hooke « dans un matériau élastique, la déformation est proportionnelle à la pression » auxquelles se tenaient la plupart des architectes usant du béton armé (à l'exception de Freyssinet) ; c'est précisément la connaissance « technique » que Maillart avait de son matériau qui lui fit construire avec sûreté et maîtrise des édifices légers, et c'est grâce à l'économie (de matière, d'argent) représentée par ce mode de construction qu'il réussit à se faire entendre. Mais ses fameux ponts, parce que leur nouveauté choquait, sont situés en des endroits retirés et nombre de ses projets ne virent pas le jour. Maillart fut le premier à utiliser le béton armé comme tel, et non comme du bois, du fer, ou de la pierre. « L'ingénieur, disait-il, était tellement habitué à construire et à calculer avec ces éléments de base [les poutres] dont la force portante était limitée à une seule dimension qu'il ne lui venait même pas à l'esprit qu'il pouvait exister d'autres possibilités. Le béton armé ne changea rien, au début, à cette conception et on l'employa de la même façon que les matériaux traditionnels. » Le béton armé rend possible une certaine répartition des forces en jeu (poids, pressions, résistances) et donc la mise en question de l'opposition séculaire entre élément porteur et surface portée. De là viennent toutes les inventions de Maillart : les « piliers-champignons » (dès 1908), qui permettent une grande économie de surface au sol, les arcs à trois articulations, d'une extrême élasticité, les poutres continues des « arcs raidis », la dalle de béton comme élément dynamique dans la construction. Ainsi, dans la plupart des ponts de Maillart (notamment son premier pont, à Zuoz en Engadine, 1901, et le magnifique pont Salginatobel sur le ravin de la Salgina dans les Grisons, 1929-1930), l'arc et le tablier se fondent en une unité organique continue comme les piliers-champignons se dissolvent ou se perdent dans les plafonds, ce qui démontre assez, par l'utilisation des courbes, qu'il n'est pas de point privilégié ou indépendant de l'ensemble. Le pavillon de la Compagnie du ciment Portland, à l'Exposition nationale suisse de Zurich en 1939, conque, coquillage ou oreille, allait prouver que Maillart était un grand architecte en ce qu'il ne dissocia jamais les problèmes que posait la construction d'un édifice de la question de la « beauté » en architecture. Aussi n'est-ce pas un hasard si Max Bill, peintre plus qu'architecte, lui consacra très tôt une monographie ([...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université Harvard

Classification

Pour citer cet article

Yve-Alain BOIS. MAILLART ROBERT (1872-1940) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ARCHITECTURE (Matériaux et techniques) - Béton

    • Écrit par Bernard HAMBURGER
    • 3 200 mots
    • 4 médias
    ...premières qui aient été réalisées en béton armé, avec les immenses hangars paraboliques d'Orly (Freyssinet). Les œuvres ultérieures de l'ingénieur suisse Maillart, de l'Espagnol Torroja, de l'Italien Nervi, de Félix Candela au Mexique et de Bernard Lafaille en France seront l'aboutissement de ces tentatives....

Voir aussi