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MERRIFIELD ROBERT BRUCE (1921-2006)

Les grands scientifiques inventent ou découvrent. Le chimiste américain Robert Bruce Merrifield, né à Fort Worth (Texas) le 15 juillet 1921, fut un inventeur.

Ses études universitaires se déroulèrent à l'université de Californie, à Los Angeles, où il obtint son Ph.D. en 1949. Puis il reçut immédiatement un engagement dans le laboratoire du Dr. D. W. Woolley à l'Institut Rockefeller de recherches médicales, à New York, qui deviendra l'université Rockefeller. Nommé professeur titulaire en 1966, bénéficiaire d'une chaire John D. Rockefeller, Jr., en 1983, Merrifield y effectuera l'intégralité de sa carrière.

Il eut d'abord à synthétiser des polypeptides, constitués de vingt à quarante acides aminés. Cela lui prenait un temps démesuré, plusieurs mois déjà pour les pentapeptides. Pour leurs homologues supérieurs, la perspective était décourageante. En effet, à chaque addition d'un résidu acide aminé, il fallait isoler le produit et le purifier, ce qui entraînait des pertes de temps et de matière.

Le 26 mai 1959, il nota une idée dans son cahier de laboratoire : utiliser une colonne chromatographique où le peptide en cours d'allongement serait fixé sur le support solide, avec ensuite addition du résidu suivant en solution, convenablement activé, et répétition du processus après enlèvement du groupement protecteur, autant de fois qu'il le faudrait jusqu'à l'obtention du produit désiré.

Il essaya de la poudre de cellulose comme premier support. Le produit se forma comme prévu, mais s'avéra impossible à récupérer par clivage acide. Merrifield, expérimentant d'autres supports, trouva que des perles minuscules de polystyrène copolymérisé avec 2 p. 100 de divinylbenzène convenaient à merveille. Dès 1962, il avait réussi à obtenir de la sorte un tétrapeptide avec un rendement de 100 p. 100, en quatre heures seulement.

Il ne lui restait plus qu'à automatiser la procédure. Il le fit, à l'américaine, dans le garage de sa maison, avec l'aide d'un ami pour les aspects électriques, Merrifield s'occupant de la « plomberie ».

Dès 1965, un prototype était construit, autour d'un tambour de programmation, avec une trentaine de micro-interrupteurs, permettant d'ouvrir ou de fermer des vannes entre les récipients de solvants et de réactifs, et le réacteur. Chacune des vannes avait douze orifices d'ouverture-fermeture, contrôlés par le programme d'ensemble. La performance de cette machine fut honorable, elle couplait six amino-acides différents toutes les vingt-quatre heures. Cela permit à Merrifield de réaliser la synthèse d'un décapeptide issu du virus de la mosaïque du tabac ; de la valinomycine, un antibiotique cyclique ; d'hormones, l'angiotensine et l'oxytocine ; et même de protéines, l'insuline et la ribonucléase. Ces résultats impressionnants furent acquis dès 1969.

La ribonucléase comportait 124 résidus. Sa synthèse mécanisée impliqua 369 réactions consécutives, soit 11 931 étapes distinctes de fonctionnement de la machine, sans qu'il fût nécessaire de procéder à aucun isolement d'intermédiaire. Ce qui prenait des années à réaliser par les méthodes conventionnelles était faisable désormais en quelques jours seulement.

Le plus souvent, un innovateur est condamné à prêcher dans le désert. Ce fut le cas de Merrifield. Durant les années 1960 et 1970, ses résultats rencontrèrent l'incrédulité. Les biochimistes le critiquèrent de ne pas avoir isolé d'intermédiaires, comme il était de règle. Ils doutaient aussi que Merrifield eût bien obtenu les produits qu'il annonçait. Il leur répondit avec dignité, affichant pour les convaincre l'ensemble de ses données.

À la longue, ses contradicteurs se turent. Néanmoins, la méthodologie mit du temps à s'imposer.[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'École polytechnique et à l'université de Liège (Belgique)

Classification

Pour citer cet article

Pierre LASZLO. MERRIFIELD ROBERT BRUCE (1921-2006) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • SYNTHÈSE SUR SUPPORT SOLIDE

    • Écrit par Rebecca POULAIN, André TARTAR
    • 202 mots

    Introduite en 1963 par R. B. Merrifield pour préparer des peptides, la synthèse sur support solide n'a été exploitée en synthèse organique qu'au cours des années 1990. Elle met en jeu un support constitué par de petites billes d'un polymère (P) insoluble, inerte dans les conditions de la synthèse....

Voir aussi