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QUDĀMA IBN DJA‘FAR (883 env.-948)

Encyclopédiste arabe, Qudāma est avant tout, pour la postérité, l'auteur d'une encyclopédie destinée aux fonctionnaires de la chancellerie califienne de Bagdad : le Livre de l'impôt foncier et de la technique du secrétaire (Kitāb al-kharādj wa ṣinā‘at al-kitāba, éditions partielles De Goeje, Leyde, 1889 ; A. Makki, thèse dactylographiée, Paris, 1955).

Chrétien converti et fonctionnaire lui-même, Qudāma s'est donné pour tâche de fournir à l'administration abbasside une panoplie complète du savoir. Son encyclopédie fait, dans cet esprit, une large place à la formation technique du commis de chancellerie : des notions d'arpentage, une connaissance poussée de la coutume et de la législation des pays, de leurs limites, de leurs routes et de leurs villes, des listes d'impôt foncier, enfin, doivent placer le fonctionnaire dans les conditions idéales requises par son métier. On n'aura garde d'oublier, au même chapitre, une connaissance impeccable de la langue officielle, l'arabe : par là s'affirme une tradition tenace qui fait du secrétaire (kātib) un modèle accompli de l'homme cultivé et qui, dans la réalité des choses, permit à ces fonctionnaires d'être en même temps des écrivains, parfois des meilleurs. Ainsi, par la plume des Arabes et des non-Arabes comme Qudāma, le statut de l'arabe comme langue officielle coïncide-t-il avec son rayonnement de langue de culture et de civilisation : kātib veut dire à la fois secrétaire et écrivain.

Le programme suivi par Qudāma en matière d'éducation des agents de l'État ne lui appartient pas en propre, d'autres auteurs se sont attachés comme lui à la définition de ce scribe-arpenteur-juriste que doit être tout kātib digne de ce nom. Mais Qudāma se distingue de ses pareils par les dimensions qu'il assigne au savoir du fonctionnaire. Dans l'équation qu'il établit entre ce dernier et l'honnête homme, il entend que le fonctionnaire n'ignore rien du bagage intellectuel de tout esprit cultivé. Ainsi l'histoire et la géographie jouent-elles un rôle éminent dans son œuvre : au-delà des préoccupations techniques qui l'animent en ces deux matières (connaissance de l'histoire de la conquête musulmane, des conditions dans lesquelles, ici et là, elle s'est opérée, des coutumes qui lui préexistaient ; connaissance concrète des pays à administrer ainsi que de certains voisins, ennemis éventuels), Qudāma propose au kātib une culture encyclopédique totale et quasi désintéressée. La géographie, notamment, lui doit le regroupement des notions qui composent la connaissance globale de la Terre, mais aussi des considérations essentielles sur certains mécanismes sociaux, la monnaie par exemple, enfin une attention marquée pour la description prioritaire des pays d'Islam. Au total, cette œuvre, dont le propos déborde considérablement le cadre de la géographie, s'inscrit aux toutes premières places dans l'histoire de cette discipline ; elle aura grandement contribué à l'épanouissement de cette dernière à la fin du xe siècle.

— André MIQUEL

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André MIQUEL. QUDĀMA IBN DJA‘FAR (883 env.-948) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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