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SINIAC PIERRE (1928-2002)

À la fois classique et baroque, subversif et imaginatif, réaliste et fantastique, Pierre Siniac occupe une place bien particulière dans la littérature policière française. Parisien, fils d'un bottier et d'une costumière de théâtre, il manifeste des aptitudes littéraires dès l'âge de dix ans en inventant pour ses camarades de véritables feuilletons. Par la suite, il préfère à ses études la fréquentation des salles de cinéma et la lecture des œuvres d'Edgar Poe, Barbey d'Aurevilly, Maupassant, Pierre Véry, ou les bandes dessinées de l'Agent X9 et du Fantôme du Bengale. Des influences qui restent plus ou moins présentes dans son œuvre. Après avoir exercé les emplois les plus divers et parfois insolites (comme astrologue), il écrit des nouvelles et quelques pièces de théâtre (Ouvrez-nous la porte, Comédie de Paris, 1955 ; Meurtre provisoire, Théâtre du Tertre, 1960). Ses premiers romans, signés Pierre Signac, paraissent à la même époque : Illégitime Défense (1958), Bonjour cauchemar (1959), et surtout Monsieur Cauchemar (1960), dans lequel il propose trois chutes différentes. Après quelques années de silence, il entre à la Série noire et publie Les Morfalous (1968), son premier roman « subversif » : des soldats français, bloqués en Tunisie durant la Seconde Guerre mondiale, profitent de la situation pour cambrioler la banque locale. Suivent plusieurs romans d'action, tous articulés autour de la réalisation d'un « gros coup » qui finit de façon pitoyable : vol de diamants (Le Casse-route), d'un chargement d'or (La Nuit des Auverpins), du coffre d'un hôtel de montagne (Les monte-en-l'air sont là), escroquerie à l'héritage (L'Increvable).

En 1971, Siniac fait œuvre de visionnaire en créant Luj Inferman' et La Cloducque. Le premier est vêtu d'un costume noir élimé trop juste pour lui, porte des socquettes mauves, une écharpe violette, des sandales blanches qui virent au noirâtre, et la plupart du temps, il n'a pas de chemise. Son compère, l'énorme La Cloducque, est affublé d'un chapeau cloche informe, d'un pardessus gigantesque et de gants de boxe. Ces deux traîne-savates apparemment extravagants, qui annoncent les années 1980-1990, errent d'emplois précaires en combines hasardeuses et jettent sur le monde un regard d'une amère lucidité. Porte-parole de leur créateur, ils ne se gênent pas pour brocarder la société et en rabaisser les sacro-saintes valeurs. Auteur iconoclaste et inclassable, Siniac se tourne ensuite vers le thriller (L'Or des fous, Le Tourbillon, L'Orchestre d'acier) puis, avec Aime le maudit (1980) et deux excellents recueils de nouvelles (L'Unijambiste de la cote 284 ; Reflets changeants dans une mare de sang), il obtient le grand prix de littérature policière 1981. Par la suite, il se singularise de nouveau avec une série de récits qu'il qualifie lui-même de « fanpol », car leur intrigue emprunte au fantastique : un automobiliste découvre avec horreur que sa voiture est ensorcelée. Chaque fois qu'il roule pendant 317 kilomètres, un crime est commis dans les environs (Charenton non stop, 1983). Dans la même veine, et sur une autre variation, L'Affreux Joujou (1985), ingénieux et satanique, met en scène le possesseur d'un appareil photo maléfique. Dans Carton blême (1985), il imagine que seule la possession d'une carte de couleur bleue permet d'obtenir l'intervention de la police en cas d'agression – une manière de résoudre le problème du chômage ! Avec le recul du temps, on mesure combien Siniac est ancré dans la réalité française. Une de ses autres réussites, Femmes blafardes (1981), se présente sous la forme d'une intrigue classique (un détective enquête sur une série de meurtres sadiques dans une cité vendéenne), mais le traitement[...]

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Claude MESPLÈDE. SINIAC PIERRE (1928-2002) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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